L'aqueduc de Nîmes 
Visite

III . D'Uzès à Bornègre

 

          Qu'entend-on par Bornègre ?
          C'est d'abord un gouffre. C'est aussi le nom du torrent alimenté par l'eau du gouffre. C'est encore  le nom du pont-aqueduc qui franchit ce torrent. C'est enfin la section d'aqueduc souterrain située à 50 mètres en amont du pont.
          Gouffre, torrent, pont-aqueduc, aqueduc souterrain se trouvent répartis le long du ruisseau sur une distance maximale de 300 mètres. Visiter Bornègre c'est visiter l'ensemble.
          Dans l'ordre il est bon de se rendre d'abord au gouffre, de descendre le torrent (en général sec) jusqu'au pont. On comprend mieux alors l'architecture du pont et on termine enfin par la visite de la partie souterraine où apparaissent les premiers dépôts carbonatés qui garnissent les parois.

          Localisation du Gouffre :
         
Coordonnées repérables sur la carte "IGN 2941 Ouest - Uzès"
          Longitude 771,615          Latitude : 189,5                                                         

 

  

 Croquis : l’aqueduc à Bornègre
d’après MM. G. Fabre, J.-L. Fiches et J.-L. Paillet :
« L’aqueduc de Nîmes et le Pont du Gard » - C.N.R.S. 1991

            Notre arrêt à Bornègre se justifie par trois éléments. Mais avant d’entrer plus dans le détail, précisons comment se fait l’accès au site :                        

               Itinéraire : Uzès, Saint-Siffret, Saint-Maximin, Bornègre.

              Variante 1 : Pour atteindre le site de Bornègre à partir de Saint-Maximin, emprunter la D.981 jusqu’à son intersection avec la D. 3 bis, à un kilomètre cinq cents. Prendre à gauche la D3 bis en direction de Boisset - Argilliers. La suivre jusqu’au virage, à deux cent cinquante mètres. A la hauteur du virage l’abandonner et emprunter le chemin de terre sur la gauche. Il est carrossable, mais inutilisable par un car qui doit s’arrêter au virage pour que la suite du trajet se fasse à pied, un trajet de faible longueur.
              Donc une fois parvenu au chemin de terre, contourner une maison par la droite, puis, cent mètres plus loin entrer dans le chemin de gauche qui aboutit à un terre-plein.
              C’est ici que les voitures s’arrêtent.

              Variante 2 : (Carte I.G.N. d’Uzès au 1/25000). Quitter la D.981 pour la D.305 en direction de Saint-Maximin. Prendre la première route à droite avant Saint-Maximin. Garer le véhicule à la fourche d’où partent le Chemin de Bornègre et la D.365. Suivre le Chemin de Bornègre jusqu’au pont. 

1 . D'Uzès à Bornègre : 10 km.                                                                       

            La traversée de Saint-Sffret et de Saint-Maximin permettent d'apprécier les belles maisons en pierre de ces villages.
              Au départ de la source d'Eure nous prenons la direction de Bagnols sur Cèze (D 982). Dès les premières maisons de Saint-Sffret deux routes s'offrent à nous. Nous ne nous engageons pas sur la route de gauche réservée aux poids lourds. Nous préférons aller tout droit de manière à emprunter un peu plus loin la "rue du Parc". En bout de rue, au niveau d'un stop, face à nous, c'est le plaisir de se trouver face à un tableau qu'on imaginerait volontiers garnir un mur de sa salle de séjour. Bordée par des feuillages légers qui agrémentent des cours de maisons que l'on devine derrière des murs de pierre, la rue pavée dessert une chapelle. La pureté du décor mêlée à l'harmonie des proportions composent un paysage de carte postale. Surtout l'après midi quand le soleil les éclaire.
              On tourne ensuite à droite, en direction de Saint-Maximin. Sitôt le virage amorcé, sur la droite, à l'abri du vent, on admire des maisons traditionnelles, rénovées avec goût. 
              En haut du village, le matin, face à l'est, la silhouette du Mont Ventoux ressort sur le ciel rosé. Le coup d'oeil est particulièrement remarquable lorsque, au printemps et en automne,  le soleil  se lève exactement derrière le Ventoux qui apparaît en contre-jour.
               On atteint ensuite le plateau entre Saint-Siffret et Saint-Maximin. Mais là, quel dommage, au départ de Saint-Siffret, sur la droite, des bâtiments lépreux déparent le paysage. Quel contraste avec le vieux village.
               Le plateau s'étend à l'horizon. La végétation de chênes verts, l'éloignement des grandes agglomérations, la pureté de l'air et celle du ciel sont des atouts qui devraient favoriser l'implantation d'un observatoire d'astronomie populaire.
               En quelques minutes nous atteignons Saint-Maximin. Encore un beau village ! Un coup d'oeil sur la droite permet d'apprécier quelques belles maisons récentes. Saint-Maximin est un village pittoresque dont l'urbanisation répond à un plan directeur bien étudié.
               Le "stop" à l'entrée du village permet d'apercevoir, sur la gauche, le château puissante bâtisse cubique surmontée d'un fronton. C'est dans cette maison que vécut Jean Racine pendant les années 1661-1662. On peut alors se replacer dans le contexte des lettres d'Uzès adressées à La Fontaine, à M. de Vitart, à Mlle de Vitart, à M. L'abbé Le Vasseur,...                                                                                                       

                On rejoint la route départementale D 981 après avoir coupé le tracé de l'aqueduc, sans s'en apercevoir. On prend, alors, la direction du Pont du Gard, Remoulins. A deux kilomètres on l'abandonne pour de diriger sur la D 3bis, à gauche, direction de Boisset. On la suit sur trois cents mètres avant de tourner à nouveau à gauche dans laboucle d'un virage à angle droit. On emprunte le chemin de terre opposé à la route. On se trouve à deux minutes de Bornègre. On laisse, sur la gauche, une maison au toit neuf : une tornade avait soulevé le précédent en septembre1992. Deux cents mètres plus loin, un dernier virage à gauche et l'on s'arrête en bout de piste. On aperçoit le pont qui franchi le vallon. C'est le vallon de Bornègre. (variante 1).

2 . L'aqueduc à Bornègre

          "Le ciel est toujours clair tant que dure son cours
           Et nous avons des nuits plus belles que nos jours

           J'ai fait une assez longue pause a cet endroit, parceque, lorsque j'écrivais ces vers il y a huit jours, la chaleur de la poésie m'emporta si loin que je ne m'aperçus pas que le temps me passait et qu'il était trop tard pour porter mes lettres à l'ordinaire. 
           Je recommence aujourd'hui, 24 de janvier , à vous écrire ; mais il est arrivé un assez plaisant changement. Car en relisant mes vers, je reconnais qu'il n'y en a pas un de vrai : il ne cesse de pleuvoir depuis trois jours et l'on dirait que le temps a juré de me faire mentir.... " 
(J. Racine)
            Ce sont les excès du temps dans cette région de l'Uzège qui rendent Bornègre sec ou débordant.

            

Première étape : le gouffre et le  torrent                                  

             Ne vous dirigez pas tout de suite vers le pont, vous risqueriez de ne pas l'apprécier.

           Laissez votre voiture fermée à clé sur la plate-forme et rebroussez chemin sur 50 m.

           1 - Le gouffre 

              C’est la pièce maîtresse du site. Elle constitue une contrainte physique à laquelle n’ont pas échappé les architectes gallo-romains : elle explique l’architecture du Pont de Bornègre, elle conditionne la pente amont et la pente aval de l’aqueduc, jusqu'à Vers.

             L’accès au gouffre est rigoureusement déconseillé à des groupes non accompagnés par des spécialistes agréés. L’accès au pied du gouffre est possible par temps sec et présente un intérêt pédagogique incontestable. Il convient toutefois d’en demander l’autorisation à M. Poitrinal  dont le numéro de téléphone figure dans l’annuaire à la commune d’Argilliers (Gard).

               Pour accéder au gouffre emprunter un sentier qui remonte la vallée parallèlement au lit du torrent. Ce sentier traverse des propriétés privées. Les propriétaires ont la gentillesse de le laisser à la disposition des promeneurs. Il convient en revanche de ne pas s'en écarter, de ne pas détruire, de ne pas souiller l'environnement. Après cinq minutes de marche vous découvrez la résurgence de Bornègre sur la droite en remontant dans le vallon.                                                      

                A une dizaine de mètres du sol apparaît un trou ovale de 4 m de hauteur et de 2 m de largeur environ. C'est de là que surgit, après les grosses pluies une puissante gerbe d'eau qui se développe en "queue de cheval". Elle est capable d'expulser plusieurs milliers de litres d'eau par seconde.

                Bornègre est une exurgence, une source appartenant à un réseau souterrain qui alimente un siphon. Ce n’est qu’après des pluies torrentielles et continues de quelques jours que le siphon s’amorce. Bornègre ne coule pas souvent et ses crues sont un spectacle rare. Sa puissance est telle que la force de l'eau mise en mouvement déplace non seulement sable et branchages mais fait rouler galets et pierres dans le lit raviné. Ces matériaux se comportent alors en véritables projectiles destructeurs des berges et des infrastructures proches.

                  

La partie apparente du gouffre est un trou dans une paroi rocheuse verticale à une dizaine de mètres au-dessus du sol. Le trou lui-même, l’exutoire, ressemble à une entrée de grotte. Il est important : quatre mètres de haut sur deux mètres de large. 

              Pour s’y rendre, emprunter le chemin praticable jusqu’au bas du gouffre, en se repérant éventuellement avec le croquis.                                                                     

               Il suffit d'escalader la colline pour se trouver au niveau de l'orifice. On découvre alors , à la verticale de l'orifice, une marmite qui s'est creusée au cours du temps : il s'agit d'une cavité de 1 mètre de diamètre et profonde de 4 mètres environ. Par temps de crue, l'eau remplit cette marmite, libère un nuage de gouttelettes puis retombe 8 mètres plus bas dans une vasque de 4 m de diamètre et 2 m de profondeur.

                Pénétrer dans le gouffre peut présenter un intérêt pour des touristes particulièrement motivés, à condition bien sûr d'être accompagnés par des spécialistes agréés. L'orifice  est précédé par un cheminement à peu près horizontal sur une quinzaine de mètres en aval d'un espace souvent immergé. La poursuite de l'incursion n'est possible qu'aux groupes organisés, équipés de scaphandres et conduit par des guides spéléologues.

                Bornègre est une fontaine vauclusienne capricieuse. Racine ne l'a probablement jamais vu couler, sinon les amis parisiens auraient reçu quelques stances aux nymphes de Bornègre qui feraient aujourd'hui le bonheur des Uzégeois.

          2 - Le lit du torrent :                                                                                         

                Vous connaissez maintenant  l'origine du torrent temporaire. L'architecture du pont en est la conséquence.

                 On peut redescendre ensuite le lit du torrent  jusqu'au pont qu'on découvrira sous un autre angle.
                Le lit est recouvert de galets et parfois même de grosses pierres. Dans les parties courbes (le bord concave où la vitesse du courant en période de crue est minimale), les graviers se déposent abondamment ; sur la partie convexe, en revanche, la puissance du courant d’eau agresse la rive et transporte plus loin les éboulis. 
                Bornègre ne coule qu'après de fortes pluies. Mais dans les jours qui précèdent, une douzaine de résurgences secondaires de moindre importance se mettent à couler les unes après les autres. Ce sont les  boulidous. Ils sont connus, répertoriés. Situés à un niveau inférieur à celui du gouffre, ils coulent avant que le "grand Bornègre" ne s'amorce. Ils permettent ainsi, aux riverains avertis d'annoncer à grands cris : "Bornègre va couler !". On en compte une douzaine en dessous du gouffre. Ces boulidous doivent leur nom au caractère bruyant de l’eau écumante qui sort de terre.  Ils s’amorcent les uns après les autres pendant les grandes pluies et permettent de prévoir la crue du gouffre.
                   Arriver face au pont en suivant ce parcours permet de constater que les piliers du pont sont précédés par des avant-bec pointus.

           Deuxième étape :    le pont                                                       

               La construction d’un pont dans l’alignement de l’aqueduc n’a pas été retenue car l’ouvrage aurait mesuré 300 m de longueur. Le contournement total du vallon n’a pas été choisi non plus, à cause de l’existence d’une exurgence intermittente à très fort débit : 2000 à 5000 L d’eau par seconde (cf. le gouffre). Une solution intermédiaire a été adoptée : un pont de 20 à 25 mètres de long, composé de trois arches. 


               « Trois arches supportaient l’aqueduc aujourd’hui disparu. Seule l’arche centrale est dégagée. L’arche d’aval (côté Argilliers) est bouchée par des détritus terreux : graviers, glaise et branchages amalgamés tel un torchis. L’arche d’amont (coté Saint-Maximin) est colmatée par des concrétions qui résultent des piqûres pratiquées à partir des troisième ou quatrième siècles quand l’aqueduc ne fonctionnait plus normalement ». L'eau n'allait plus jusqu'à Nîmes, on la récupérait pour arroser les cultures le long de l'aqueduc. Les piliers en amont sont protégés par des avant-becs en grand appareil, puissants, triangulaires, capables de résister aux chocs des grosses pierres transportées par le torrent en crue.                                                                 

               Depuis le haut Moyen Age, le pont de Bornègre ne remplit plus sa fonction première. L'aqueduc démonté, les hommes récupérèrent les pierres et les réutilisèrent pour la construction des maisons. Le vieux pont  sur ses trois arches devint un moyen de passage. On l'empruntait pour franchir le torrent. Le tablier est creusé profondément par les pas des chevaux, par le cerclage en fer des roues de charrettes. 
                Sur le bord, des mortaises mises à nu favorisait la liaison des grosses pierres de construction. Il y a quelques timides graffitis. S'agirait-il de signes compagnonniques ?
                Dans le ruisseau, en aval de l'ouvrage, quelques pierres de l'aqueduc soutiennent la berge. Bornègre est un pont à l'abandon.

Cet itinéraire justifie les deux questions associées : 
                                   « A quoi servaient les avant-becs ? »
                             et : « Pourquoi les Romains ont-ils construit ici un pont ? »

                

               Troisième étape : la tranchée couverte remblayée                  

Deux illustrations en coupe du canal à Bornègre

                                                                                       

La tranchée remblayée à Bornègre  

 ( juillet 1998 - Cliché Georges BERNI)

 

           A Bornègre enfin la partie souterraine de l’aqueduc apparaît, avec le canal, la voûte et les remblais au-dessus de celle-ci. (Voir photo ci-dessus).

            En amont de l’aqueduc, du côté de la rive droite du ruisseau, à cinquante mètres de l’ouvrage, l’aqueduc apparaît, semblable à un tunnel. Il s’agit d’une portion du canal construite au fond d’une tranchée recouverte ensuite de terre. Sur les parois on distingue les éléments déjà remarqués au bassin de régulation : les piédroits en pierre, la couche d'enduit de tuileau, la pellicule superficielle rouge.
             Mais on découvre aussi des dépôts calcaires. Certains, détachés de la paroi, gisent sur le fond du canal. L'apparition des dépôts est un phénomène nouveau dont l'explication, donnée par ailleurs sur ce site, repose sur une équation d'équilibre entre bicarbonate de calcium et carbonate de calcium dans une atmosphère plus ou moins saturée en gaz carbonique. 

 

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