L'aqueduc de Nîmes
Visite

I . Les sources de l'aqueduc de Nîmes

 

I . Quelle source choisir pour alimenter Nîmes ?

         Il était important que la topographie des régions traversées n'oppose pas de difficultés insurmontables.

          Cela nous amène à définir, au temps des Romains, les besoins des utilisateurs nîmois. :                   Ils voulaient de l’eau
                  - provenant d'une source à une altitude suffisante,
                  - de bonne qualité,
                  - en abondance,
                  - toute l’année,
                  - à une distance raisonnable de la ville,
          pour alimenter les thermes, les fontaines, nettoyer les rues et les égouts, lutter contre les incendies.

          L'altitude de la source devait être suffisante pour alimenter Nîmes par gravité.

            Les Romains définissaient la qualité de l’eau en fonction de critères de bon sens ; ils observaient la qualité de l’environnement et la santé des hommes qui habitaient autour de la source, ainsi que la santé des animaux (déterminée par l’observation du foie).
          Ils se fiaient aussi à la clarté de l’eau.

          L’abondance à la réception est liée à l’altitude : la source doit se situer à une altitude supérieure à celle de la réception, avec un débit   relativement important et régulier.

          De l’eau à une distance raisonnable ?
          Un aqueduc va être construit, sa pente et son coût sont à envisager : plus il est long, plus la pente est faible et complique la stratégie du tracé. L’entretien des parties extérieures intervient dans les calculs ; et enfin une eau qui circule longtemps perd de ses qualités.

      Tous ces critères sont à prendre en compte pour aider à éliminer des cours d’eau repérables sur une carte qui sert de support à cette étude, et à en choisir un en s’aidant du tableau suivant :

 

Débit minimal

Débit moyen

Débit maximal

Remarques

Fontaine de Nîmes

20 L/s

200 L/s

Plusieurs milliers de m3/s

Régime irrégulier.
Lit situé au-dessous du niveau  moyen de la ville.

Fontaine d’Eure

200  L/s

400 L/s

1 200 L/s

Dénivelé total de 12 m et relief imposant entre la source et Nîmes (implique un tracé sur 50 km). Problème de pente qui se pose à tout moment.

Gardon

Presque nul

Quelques hL/s au dessus de Boucoiran

4.000 - 5000 m3/s

Captage possible en amont de Boucoiran.
Régime irrégulier, faible.
Tracé difficile à concevoir.

Rhône

Abondant

 

 

 

Vidourle

Moins de 500 L/s

Quelques hL/s

Très important

Très irrégulier.
Captage très en amont.
Aqueduc difficile à réaliser.

          Commençons par exclure le Rhône, celui-ci n’étant d’ailleurs pas indiqué sur la carte. Mais la question peut être posée. L’eau du Rhône ne pouvait être prise qu’au Pouzin, localité située entre Montélimar et Valence, à 120 km de Nîmes, selon l’hypothèse envisagée en 1865 par M. Bravay. C’est à son initiative qu’ont été réalisés le tunnel et la tranchée d’implantation du canal du Pouzin, visibles sur la carte, et sur le terrain dans le prolongement de l’aqueduc. Une entreprise sans lendemain.
            Une tentative originale pour approvisionner Nîmes en eau eut lieu en 1868, pendant une période de grande sécheresse et de pénurie d’eau dans la cité, quand la municipalité demanda à Talabot, au moment de la construction du chemin de fer, l’autorisation de transporter une centaine de lessiveuses chargées d’eau du Rhône de Beaucaire à Nîmes.

Aujourd’hui, la ville est alimentée par une nappe, à proximité du Rhône.

              Une autre possibilité que le Rhône peut être envisagée, et celle-ci à partir de l’observation  de la carte topographique : il s’agit du Gardon. Mais celui-ci est à la fois très irrégulier et à sec l’été : il ne peut donc pas être utilisé. Le Gardon a deux lits, un lit inférieur et un lit supérieur ; le lit inférieur réapparaît au niveau de Collias, après avoir disparu, vers Boucoiran.
              Un ingénieur nîmois, Benjamin Valz, avait projeté un captage de l’eau du Gardon, mais il avait dû y renoncer, l’eau ne pouvant être prise qu’en amont des gorges, et surmonter les contraintes du relief était très difficile.

              Une autre potentialité était liée à l’existence de la fontaine de Nîmes ; mais le débit de celle-ci est très faible en été, de l’ordre de 20 L/s.

               Le Vidourle, quant à lui, est plus éloigné, irrégulier, avec des contraintes encore plus importantes.

             Il reste la source d’Eure, dont nous examinons les atouts:
             
- Le premier est l’altitude : pour les Romains, qui n’envisagent l’écoulement que par gravité pour la construction de cet aqueduc, elle est supérieure à celle de la réception. Nous savons aujourd’hui que l’altitude à la source d’Eure est de 71,20m, alors qu’à Nîmes, au Castellum, elle est de 59,80m.
               Lorsque nous parlons d’altitude, c’est en considérant le fond du canal, le radier.
             - Le deuxième, le débit (c’est à dire le volume d’eau écoulé en une seconde par un cours d’eau, en un point de son parcours, exprimé en mètres cubes ou en litres) ; celui-ci varie de 200 L à 1200 L/s avec, pendant une grande partie de l’année, un débit de l’ordre de 400 L/s.
              - Le régime hydrologique (c’est à dire les variations dans l’année de l’alimentation en eau) : s’il est étroitement lié au climat méditerranéen, il n’en demeure pas moins qu’il a un minimum d’été de 200 L/s, ce qui est à la fois supérieur à la fontaine de Nîmes et suffisant pour l’alimentation en eau de l’aqueduc envisagé.
 
          Pourquoi les sources d’Eure sont-elles régulières ? Ici nous formulons une hypothèse : les sources d’Eure sont dans le fond d’une vallée et sourdent au travers d’exutoires  limités. L’Alzon en revanche, qui est une rivière reçoit, lui, toute l’eau qui tombe sur son bassin versant.

            Donc les sources d’Eure offrent des atouts par leur débit et leur volume.

                   - La qualité de l’eau de la source : nous nous en tenons, comme les Romains à ce que l’on voit. L’eau claire laisse apparaître un fond gravillonnaire, sans vase. Au confluent de la source d’Eure et de L’Alzon, l’eau de l’Alzon est boueuse. L’environnement végétal  témoigne de l’absence de mousses, de roseaux, d’eau ferrugineuse ou sulfureuse, par la présence d’une belle herbe verte par exemple.
             - La distance, enfin,  est d’environ 50 km., ce qui n’est pas excessif.  La source captée offrait au canal un débit d’environ 20 00 m3 par jour.
 

             Les Sources d'Eure et les pays de l'Uzège répondaient à toutes les conditions.

                                                                                                                                                     Le texte de Vitruve qui suit peut donner lieu à une réflexion sur le thème de la qualité de l’eau :
              «  Il est facile, au moyen d’épreuves et d’essais, de reconnaître la qualité des Eaux d’un pays. Si elles coulent à découvert, il faut avant de les enfermer dans les conduites considérer quel est l’état du corps des habitants. S’ils sont robustes, s’ils ont de bonnes couleurs, s’ils ne sont point sujets ni aux maux de jambes, ni aux fluxions des yeux, on peut être certain de la bonne qualité des eaux.
           Pour se rendre compte de la bonté d’une fontaine nouvellement découverte, il faut jeter quelques gouttes de son eau sur du cuivre de Corinthe ou sur d’autre bon cuivre, si elles ne font point tache, c’est une marque que l’eau est excellente.
          ... Enfin on reconnaîtra qu’elle est légère et très salubre si, étant claire et belle dans sa source, elle ne produit dans les endroits qu’elle parcourt, ni joncs, ni mousse, ni autres saletés. »

Vitruve - « Les dix livres d’architecture » - Traduction de Claude Perrault - Ballard - 1979.

Vitruve (Marcus Vitruvius Pollio) architecte romain - (1er siècle av. J.-C.) - est l'auteur d’un traité en dix volumes « Sur l’architecture »  romaine.

             Notons que l’aqueduc de Nîmes aurait été construit au cours de la seconde moitié du 1er siècle de notre ère.

II. Visite des sources d'Eure

          Localisation : Coordonnées repérables sur la carte  "IGN 2941 Ouest Uzès"
            Longitude : 767,995     Latitude : 192,770

            Les sources alimentent l'aqueduc. La découverte de l'aqueduc commence donc par ses sources.
            Il est intéressant de se rendre ensuite au bassin régulateur dans la vallée de l'Eure puis de longer le cours descendant de l'Alzon jusqu'aux premiers mètres de l'aqueduc en dessous du moulin du Tournal.
            (Lire "Nîmes sans Visa" de Christian Liger - Editions Ramsay.)

            Durée :  Une heure pour parcourir l'ensemble de l'itinéraire aller-retour.   

            Itinéraire :

               Les sources d'Eure sont situées sur la route D 982 à la sortie d'Uzès, en direction de Bagnols sur Cèze. Cinquante mètres avant de traverser le pont routier qui franchit l'Alzon, tourner à droite en direction de ce qui a été le camping municipal de "la Fontaine d'Eure. Laisser sa voiture sur le parking et prévoir une marche de 1 km aller retour.

               Au niveau du parking coule l'Alzon, affluent du Gardon. L'Alzon prend sa source à 10 kilomètres d'ici. Il transporte de l'eau souvent boueuse, parfois souillée. Son débit très faible en été peut atteindre des dizaines de mètres cubes à la seconde en période de crue.
               Il est intéressant de s'arrêter un instant sur le pont qui franchit l'Alzon et de regarder la rivière en amont. L'Alzon reçoit sur sa gauche une eau très claire, l'eau de la source d'Eure. Le débit est important bien que diminué de la quantité d'eau nécessaire pour les besoins alimentaires et industriels de la ville d'Uzès et de quelques villages environnant : Saint Siffret, Montaren, Saint Médiers.

               Les critères retenus par les Romains demeurent deux mille ans plus tard : l'eau est limpide, le débit moyen est abondant et relativement régulier.

               La source coule au pied d'un bâtiment municipal. Au premier étage de la maison, à 3 mètres du sol environ, on peut voir une marque gravée au dessous d'un appui de fenêtre. Elle rapelle le niveau atteint par l'Alzon un certain jour de l'année 1770. 
               L'Alzon, lui, connaît des variations de débits considérables, difficiles à chiffrer.

               Les eaux de la Source qui coulent à nos pieds sont d'une limpidité étonnante et pourtant la forte teneur en bicarbonate de calcium, qui donnera plus loin des concrétions, est encore plus étonnante. Ce n'est que plus loin, à Bornègre d'abord, à partir de Vers ensuite , qu'on aura une idée de la quantité de calcaire déplacée.       

               Contournons le bâtiment municipal. Nous arrivons sur une terrasse à partir de laquelle on domine une nappe d'eau de 200 mètres de long et de 5 à 6 mètres de large. C'est le bassin de réception des sources. En aval, l'eau franchit un seuil, tombe en cascade, et se jette dans l'Alzon. Les sources d'Eure occupent en fait un espace qui s'étend de part et d'autre d'un mur qui limite, au fond, le terrain communal devant lequel nous nous trouvons du Domaine de Plantery qui borde la route de Saint-Quentin-la-Poterie et de Bagnols. Dans ce domaine, qui est privé, les sources alimentent  un bassin vaguement quadrangulaire de 200 ou 300 mètres carrés. Les sources de Plantery, captées par les Romains, confluaient avec les sources du domaine municipal. Aujourd'hui, toutes ces canalisations ont disparu et les eaux de l'Eure se perdent dans l'Alzon qu'elles n'arrivent  pas à éclaircir.

                 Nous sommes toujours sur cette terrasse bordée d'arbres énormes. Devant nous il y a le bâtiment municipal et sur notre droite nous découvrons les vestiges d'un vieux bâtiment que Marie-Louise Laporte et Jacques Roux décrivent dans leur livre Uzès - Métamorphose (Editions Equinoxe) : ce "lavoir aux allures d'aqueduc a laissé quelques arcades aujourd'hui dévorées par la végétation (...) Il fut construit en 1849 pour occuper les sans-emplois. Mais une crue le saccagea en 1866.

                 Quant aux eaux des sources d'Eure (d'après Guilhem Fabre, Jean-Luc Fiches et Jean-Louis Paillet  "L'aqueduc de Nîmes et le Pont du Gard" Editions CNRS ) elles proviennent d'un vaste bassin d'une cinquantaine de kilomètres carrés qui s'étend de Seynes au pied du Mont  Bouquet à Valliguières, au nord de Remoulins. Les réserves, de l'ordre de dix millions de mètres cubes sont importantes. Imaginons un réservoir à section carrée de 1 km de côté et de 10 mètres de hauteur.                                       

III. Un itinéraire pour se rendre d'Uzès aux Sources d'Eure

          A partir de "la promenade des marronniers", un sentier contourne la piscine municipale et permet d'atteindre la vallée de l'Eure par "les jardins de l'évêché". Cette promenade agréable est de courte durée. Elle laisse le loisir de profiter d'un beau parc riche en espèces régionales. Le panorama sur la vallée de l'Eure est très apprécié par tous ceux qui le découvrent.

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