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La technique :
les Romains et ...

Les instruments utilisés par les Romains (2)

 

Présentation de quelques instruments 
Arpentage et nivellement antiques

 applications à des opérations simples 

     

     Sommaire

 (A l'intention du personnel  éducatif du Site du pont du Gard)

 Lundi 14 février 2005        par   Claude Larnac

 Ce travail a été  présenté au personnel éducatif du site du pont du Gard  afin de lui apporter quelques éléments de réflexion sur des questions souvent posées, relatives à la détermination des pentes (dénivelées), à l’orientation, aux relevés topographiques, aux calculs de hauteurs, de distance,  etc. 

           Les bases de ce document se trouvent en particulier dans :

1.     les Actes du Colloque international sur le thème de la Dioptre d’Héron d’Alexandrie qui s’est tenu les  17, 18 et 19 juin 1999, au Centre Jean Palerne, Université de Saint-Etienne (Loire).

2.           L’arpentage romain de Gérard Chouquer et François Favory avec la collaboration d’Anne Roth-Congès - Ed. Errance – 2001.

3.     Réflexions sur l’aqueduc romain de Nîmes – Claude Larnac – En cours d’édition : CDDP de Nîmes.

 

Cette journée de formation consistait, le matin, en une présentation théorique, accompagnée d’exercices pratiques simples sur place, et l’après-midi en une application sur le terrain : hauteur des niveaux 2 et 2-3 du pont du Gard, largeur du Gardon au droit de la rivière.

                                                                                                                                  

 Quelques notes sur les auteurs antiques cités dans le texte

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Frontin - Curateur des eaux  des aqueducs de Rome (97-98 ap. J.-C. jusqu’à sa mort 103-104 ?), Frontin aurait écrit des textes sur la gromatique (limitations, arpentage) avant l’an 98.

Hygin - Lequel ? G. Chouquer et F. Favory en mentionnent trois

  • Hygin « tout court » est un arpenteur, auteur de trois traités (II e siècle ap. J.-C.)

  • Hygin (le) gromatique, souvent cité

  • Pseudo-Hygin,  un auteur anonyme qu’on nomme ainsi, mais parfois encore le gromatique. D’où les incertitudes inhérentes aux confusions apportées par les noms. Il était spécialiste de l’arpentage des camps militaires.

Balbus - Arpenteur (II e  siècle ap. J.-C.)

Iunius Nypsius (ou Nypsus ou Nipsus) - cité de nombreuses fois par Anne Roth-Congès (Colloque de St-Etienne).

Pythagore - (572 ?- 493 av. J.-C.)- remarquable mathématicien auquel on attribue la très célèbre propriété qui régit la relation entre les trois côtés d’un triangle rectangle. Nous réservons une page à ladite propriété, pressentie par les Babyloniens quinze siècle siècles avant sa naissance et démontrée deux siècles plus tard par Euclide.

EUCLIDE - (365 ? – 276 av. J.-C.). Son œuvre est immense tant par la diversité des sujets que par la qualité de son travail. Il démontra le théorème « de Pythagore ».  Il établit les lois de la réflexion de la lumière que nous utiliserons dans nos exercices pratiques,  lois attribuées 19 siècles plus tard à Descartes… 
           
Nous ne citons que deux de ses œuvres parce que nous les évoquons au moins une fois dans ce texte : les treize livres sur les Eléments (géométrie plane, géométrie dans l’espace, arithmétique) et un traité d’optique.
 

VERUS - le boutiquier de Pompéi qui, lors de l’éruption du Vésuve (79 ap. J.-C.), détenait une groma et divers autres instruments de nivellement. 

Vitruve - (88-26 av. J.-C.), ingénieur-architecte qui vécut à l’époque de César, nous intéresse par le livre VIII de De Architectura , qui traite de l’eau : repérage des sources, captage, conduite de l’eau, distribution dans les villes. Mais « on ne saurait dire avec certitude si le livre VIII du De Architectura, est le fruit d’une expérience professionnelle ou, au contraire, si l’activité de Vitruve à l’administration des eaux consacra la notoriété d’un livre qui touchait à ces problèmes » (Louis Callebat, professeur à l’Université de Caen, traducteur du livre VIII). Vitruve commit entre autres, et par manque de précision, des erreurs sur les conditions d’écoulement des eaux dans un canal ou sur les caractéristiques du chorobate.

HÉRON D’ALEXANDRIE - (I er siècle ap. J.-C., selon Dimitris Raïos), auteur du traité de La Dioptre, au travers duquel il  aborde aussi bien la géométrie pure, la topographie, la technique des mesures, l’hydrographie, la mécanique des fluides, etc. Sa dioptre, ancêtre de l’actuel théodolite, dans laquelle les réglages se faisaient par des niveaux à eau et des fils à plomb, trouvait son utilité en topographie, sur terrain plat ou accidenté, pour mesurer les hauteurs inaccessibles, repérer les prolongements des tracés souterrains ou en astronomie.

                                                                                                                                  

Les auteurs modernes cités pendant la journée 
(ouvrages ou communications)

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               I - Gérard Chouquer et François Favory
         
             L’arpentage romain –   Ed. Errance -    2001.

              II - In Argoud-Guillaumin  -  Colloque international de Saint-Etienne Autour de la Dioptre d’Héron d’Alexandrie  - 2000 - Publications de l’Université de Saint-Etienne : 

  • André ALLard - Université catholique de Louvain -
     
    La formule héronienne de  l’aire d’un triangle scalène

  • Gilbert Argoud -  Université Jean Monnet – Saint-Etienne -
      Utilisation de la dioptre en hudraulique 

  • Jean Burdy, Agrégé de l’Université, Lyon – 
     
    Les aqueducs de Lugdunum (91-106)

  • Monique Clavel-Lévèque, - Université de Franche-Comté, Besançon 
     
    Groma  et  pratiques d’aménagement du territoire en Biterrois

  • Gisèle Coco – université de Provence, Aix-en_Provence - 
     
    Un dossier : la dioptre à travers les traités de l’astrolabe plan

  • Micheline Decorps-Foulquier - Université de Caen -
     
    Remarques liminaires sur le texte de la dioptre de Héron d’Alexandrie et ses sources

  • Joëlle Delattre - Université de Lille -
     
    Théon de Smyrne et la Dioptre

  • Marie Feyel - Ecole française d’Athènes -
     
    Comment rest
    ituer la dioptre d’héron d’Alexandrie?

  • Philippe Fleury-   Université de Caen -
     
    L’odomètre d’Héron d’Alexandrie 

  • Dr.-Ing - Klaus Grewe -  Landschaftsverband Rheinland, Bonn -
     
    Le tracement d’un tunnel dans l’Antiquité : la théorie et la pratique

  • Jean-Claude Guillaumin - Université de Franche-Comté, Besançon -
     
    La première partie du chapitre 25 de la Dioptre : avatars d’une figure et d’un texte

  • Alain Hairie – CNRS – Laboratoire d’études et de recherches sur les matériaux (LERMAT), Caen -
     Aspects pratiques de la dioptre d’Héron d’Alexandrie, étude théorique et expérimentale de la précision des mesures réalisables

  • Catherine Jacquemard - Université de Caen -
     La mesure d’une hauteur dont le pied est inaccessible. Etude de Héron 

  • Claude Larnac -  Professeur de mathématiques retraité, Pt honoraire du CIDS, Castillon-du-Gard
      Les limites du système œil-chorobate  relativement à  l’implantation de l’aqueduc de Nîmes

  • Georges Marchand, Géomètre topographe, UMR 154 du CNRS (Lattes - Montpellier), Hervé Petitot - AFAN - Méditerranée - et Laurent Vidal, UMR 6048 du CNRS, Besançon - 
     
    L’équerre d’arpenteur de l’Orme à Ennemain (Somme)

  • Dimitris Raios – Université de Ioannina (Grèce) -
    La date d’Héron d’Alexandrie –témoignages internes et cadre historico-culture

  • Anne Roth-Congés – CNRS, UMR 154 du CNRS (Lattes-Montpellier)-
    Questions d’arpentage dans la Dioptre et les textes gromatiques romains 

  • Pierre Souffrin, astrophysicien à l’observatoire de Nice, 
    Remarques sur la datation de la Dioptre d’Héron d’Alexandrie par l’éclipse de lune de 62.

                                                                                                                               

Limitation et Arpentage

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Arpentage

            « L’arpentage courant, de tradition immémoriale, concerne toutes les opérations de topographie, levées de terrain à usage cadastral, architectural ou urbanistique » (G. Chouquer F. Favory)

Le mensor ou limitator (terme anachronique), le géomètre topographe, est le personnage clé de la limitation. Il sait lever un plan, calculer les aires d’un terrain ou d’un territoire aux contours irréguliers.

 Limitation

« La limitation au contraire s’inscrit dans le temps : c’est un système original de découpage du sol régulièrement corroyé par des chemins (limites en latin), étendu au territoire de la colonie ou de toute autre cité de statut variable dans toutes les provinces de l’Empire » (id°). 

Formule d’Héron, pour le calcul de l’aire d’un triangle en fonction de ses trois côtés.

 Où a, b, c sont les mesures des côtés et p le demi-périmètre. Malgré sa complexité apparente, cette formule, qu’on enseigne toujours aux élèves des classes de premières scientifiques, est d’un emploi très pratique puisqu’elle ne nécessite pas de calcul de hauteur.

            Par exemple si un triangle ABC a pour côtés :
           
BC qu’on note a = 8
           
AC qu’on note c = 10
           
AB qu’on note c = 12, le périmètre   2p = 8 + 10 = 12 = 30 ;
           
et :     
p       = 15,
                      
p - a  = 15 - 8  = 7
                       p - b  = 15 - 10 = 5
                      
p - c   = 15 – 12 = 3
                S =  √15 x 7 x 5 x 3 =   √1575  ,  voisin de  √1600, c’est-à-dire 40 (plus précisément 39,69).

             On peut décomposer tout polygone en triangles et répéter cette formule autant de fois que nécessaire. Les aires  des parties informes extérieures, stériles,  (subsecivum : subsécive) peuvent s’évaluer par des méthodes d’approximation.

               Limitation ou arpentage sont des opérations différentes qui utilisent les mêmes instruments.

             L’activité que nous menons dans le cadre de cette journée est du domaine de l’arpentage et du nivellement.

                                                                                                                                

Quelques notes sur la propriété de Pythagore

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Bien avant Pythagore, les Babyloniens …. 

            Sur la tablette YBC 7289, d’environ 16 cm², le scribe a gravé un carré avec ses diagonales. Le long d’un côté, le nombre 30, au-dessus d’une diagonale, le nombre 1,414  en notation sexagésimale. Et au-dessous de cette même diagonale, toujours dans cette notation, 42,41, lequel est le produit de 30 par 1,414. Ce résultat est exactement conforme à la règle selon laquelle la diagonale d’un carré est égale au produit de la mesure du côté par √2

            Ainsi, vers 1700 à 1900 av. J.-C., les Babyloniens connaissaient un cas particulier de la réciproque du théorème de Pythagore. Ils savaient aussi qu’un triangle dont les côtés ont pour mesure 3,4,5 est rectangle et que le carré du plus grand côté est  égal à la somme des carrés des deux autres : 5² = 3² + 4²  ou  25 = 9 + 16

Treize  siècles plus tard vint Pythagore 

            Cette propriété, toujours non démontrée, fort intéressante, est attribuée à Pythagore. Henri, en 1615  commente la cérémonie : lequel (Pythagore) en fut si content et joyeux, que pour en rendre grâce aux dieux, plusieurs disent qu’il sacrifia une Hécatombe (sacrifice de cent boeufs) et d’autres  rapportent qu’il ne leur sacrifia qu’un bœuf ; ce qui est plus vray-semblable que non pas qu’il en ait immolé cent, veu que ce philosophe faisoit très grand scrupule  d’espandre le sang des animaux ». 

Et enfin Euclide en donna la démonstration (livre 1, proposition 47) « Aux triangles rectangles, le quarré du costé qui soustient l’angle droict, est égal aux quarrez des deux autres costez » (Traduction de Henrion, 1615).

            Les applications furent surtout orientées vers le tracé d’un angle droit. Nous retiendrons en particulier la construction des perpendiculaires  à l’aide de la corde à 13 nœuds.

                                                                                                          

L’équipement des arpenteurs

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Le gnomon

            L’orientation d’une carte, repose sur le repérage des points cardinaux.
         
Chercher l’orient ?
          Comment le repérer? Le soleil ne se lève que deux fois par an à l’Est (l’orient)

          Alors …. on cherche le Nord.
          Le jour : en mettant en évidence la direction du sud à midi locale (gnomon)
         
La nuit : en repérant l’étoile polaire (située actuellement à moins d’un degré du pôle nord géographique).

 Le gnomon :
            C’est un bâton planté verticalement dans le sol dans un endroit ensoleillé. Son ombre portée est la plus courte à midi locale. 

Cercle indien

            On trace  un cercle centré au pied du bâton (gnomon) de rayon suffisant pour que l’ombre portée par l’extrémité du gnomon le coupe deux fois dans la journée : le matin en A  et le soir en B. On joint le milieu I  du segment AB au pied du gnomon, on obtient ainsi la direction nord-sud du lieu.

                                                                                                                               

I - Les instruments de visée

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Ce sont les appareils qui servent à tracer les alignements et les angles.

Comparaisons

           Sur le papier                          Sur le terrain
           Règle                                       Cordeau
                 Equerre                                   Groma ou l’équerre d’arpenteur
                 Compas                                    Cordeau

               « Le principe de l’arpentage réside dans la pratique de l’alignement » (Frontin)

         1 -  Le Ferramentum  dit groma

            C’est par excellence l’outil du limitatif. Celui qui l’utilise est le gromaticus (Pseudo-Hygin).
              Origine du mot
            « Le mot latin dérive lui-même du grec gnomon, l’équerre, mais le mot révèle une transformation du gn- en gr-conforme aux lois de la phonétique étrusque. Le Corpus veteres ne donne jamais de description de la groma et ne  l’évoque que très rarement sous ce vocable, lui préférant son synonyme de ferramentum, « l’instrument en fer » » (Chouquer-Favory)

           

La groma selon Anne Roth-Congès
(Actes du Colloque de St-Etienne – p. 113).

         2 - Les dioptres

            Nom générique des appareils de visée. Elles rassemblent la presque totalité des appareils à pinnules (viseurs) : niveaux à eau, chorobate (vu par Newton),  etc.

Noter le genre féminin du mot, à l’inverse du dioptre optique qui est la surface matérielle qui sépare deux milieux de transparences différentes (surface d’une loupe, plan d’eau, etc.)

  3- Les équerres d’arpenteur

            Ce sont des chambres noires cylindriques ou prismatiques ou sphériques percées de fentes verticales diamétralement opposées. Le montage le pus simple, celui que nous présentons, est formé de quatre fentes,  disposées selon deux directions perpendiculaires.
            On en connaît deux :
               - Une exposée au musée de Coblence, disparue depuis la dernière guerre,
               -  L’autre, découverte il y a quelques années, par l’équipe d’Hervé Petitot, au cours d’une fouille archéologique préventive, réalisée sur le tracé de la future autoroute A29, commune d’Ennemain, dans la Somme, au lieu-dit « l’Orme ». Elle est actuellement déposée au Service régional de l’Archéologie de Picardie, 5, rue Daussy, 80 000 Amiens.

        Ses caractéristiques :
       Datation au plus tard du dernier tiers du III e siècle ap. J.-C.
       En bronze, à forte teneur en plomb
       Masse                            :  814 g
       Fondue en une seule pièce selon la technique de la cire perdue
       Longueur (hors tout)      :  18,5 mm          (10 doigts)
       Diamètre                        :  76,5 mm
       Largeur des fentes         :   0,6 mm
       Porte 16 fentes (angles 25 grades)
       Etendue couverte à 50 m :   40 cm (précision assez grossière de l’ordre de 0,8 %- Devait servir à recomposer un parcellaire)     

 II – Les instruments de nivellement

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Le niveau d’eau

 

 

le chorobate 

Description donnée par Vitruve (livre VIII de "l'architecture"- traduction de Louis Callebat - Les Belles Lettres- Paris - 1973).

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            "… Le chorobate est une règle longue d'environ 20 pieds (6 m). A ses extrémités cette règle a des pièces transversales parfaitement identiques et assemblées en équerre aux bouts de la règle ; entre la règle et ces pièces, fixées par des tenons, des traverses qui portent des lignes exactement tracées en perpendiculaire, et, suspendus, un de chaque côté, à la règle, des fils à plomb qui, lorsque la règle est en place, s'appliqueront d'une manière rigoureusement identique aux lignes tracées, indiquant que la position est horizontale.
            Mais si le vent vient troubler l'opération et, en les agitant, empêche les lignes de donner une indication précise, alors on doit avoir sur la partie supérieure de l'instrument une gouttière longue de 5 pieds (1,5 m), large d'un doigt (1,8 cm), profonde d'un doigt et demi (2,7 cm), y verser de l'eau, et, si l'eau touche uniformément les bords supérieurs de la gouttière, on saura que l'on est de niveau" . 
            Vitruve ne précisant pas le mode d’emploi du chorobate, les uns lui associent deux pinnules (viseurs) et le considèrent comme un instrument de visée, les autres voient en lui un instrument de nivellement, comme les perches de frontin, en somme.
         
Quelle que soit la façon de l’employer, le chorobate reste un instrument trop imprécis (1 cm pour 10 m) pour régler, avec la rigueur nécessaire, la pente de la plupart des aqueducs. [Cf : communication de Claude Larnac  et  L’arpentage romain de Gérard Chouquer et François Favory, p. 70]

                                                                                                           

Autre hypothèse d’utilisation du chorobate

            Instrument de nivellement, on l’utilise sans pinnules, en le déplaçant de sa longueur sur tout le tracé d’un aqueduc. (Théorie de Germain de Montauzan, spécialiste des aqueducs de Lyon).
            La dénivelée sur un tracé serait la somme algébrique des indications données par les cales étalonnées.  Il est difficile d’imaginer la fiabilité de cet appareil pour la construction d’un aqueduc, à travers bois et garrigue, sur une cinquantaine de kilomètres, entre Uzès et Nîmes.

  

  

La libra aquaria (pour mémoire)

 


 

La dioptre d’Héron d’Alexandrie

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             C’est l’ancêtre du théodolite, mais ne possède pas d’optique.
            
Instrument de nivellement, d’arpentage, d’astronomie.


                                                                                                           

L’importance d’une horizontale de référence

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C’est à partir du tracé de l’horizontale qu’on définit la pente d’un aqueduc, la profondeur d’un tunnel. D’où l’intérêt qu’on porte à son degré de précision.

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            C’est à partir du tracé de l’horizontale qu’on peut donner au radier une dénivelée de 1 cm par exemple sur sa longueur. Il suffit pour cela de porter 1 cm de plus en C qu’en A.

             Pour l’aqueduc de Nîmes, dont la pente moyenne est de 25 cm par kilomètre, soit 1 cm pour 40 m, il suffit, si AC = 40 m, de porter AB = 119 cm et CD = 120 cm.
             Encore faut-il que la droite (AC) soit parfaitement horizontale, ou que l’imprécision sur son horizontalité ne dépasse pas quelques millimètres sur 40 m. Seul, à notre avis, le niveau à eau (type vases communicants) satisfait cette exigence

.  

III - Les instruments de mesure et de dessin

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            La boutique de Vérus à Pompéï a livré d’autres objets :

            une règle pliante, longue d’un pied romain avec une seule articulation. On en voit d’autres au musée de Naples,
               Deux compas en bronze
               Des pinces, longues de 9 cm,
               Un embout conique, long de 6,2  cm, d’usage incertain
               Un cône de bronze, long de 14 cm,
               Seize  outils en fer, longs et minces,
               Un style en bronze et un racloir en fer, pour écrire sur une tablette de cire et l’effacer,
               Un encrier et un canif, treize embouts cylindriques en bronze (pour coiffer les jalons ou les perches (perticae)

                                                                                                                              

Les mesures de longueurs romaines

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 L’unité principale est le pied (pes, au pluriel pedes )

Les mesures de longueur romaines (pied = 29,57 cm)
extrait du tableau p. 73, Chouquer et Favory

Dénomination latine

Traduction

Doigts

Pieds

Longueur en cm ou m

Digitus

Doigt

1

1/16

18,5 cm

Palma

Paume

4

¼

73,9 cm

Pes

Pied

16

1

29,57 cm

Cubitus

Coudée

24

1,5

44,35 cm

Gradus

Grade, demi-pas

 

2,5

73,92 cm

Passus

Pas

 

5

1,4785 m

Decempeda

Perche, double pas

 

10

2,957 m (10 pieds)

Actus

 

 

120

35,48 m

Stadium

Stade

 

625

184,81 m

Milliarum

Mille

 

5000

1478,5 m

                                                                                                                               

IV - L’art de la  mesure

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1 -  techniques et principes du levé topographique                            (Mme Anne Roth-Congès – Actes du colloque de Saint-Etienne – p. 109)

            L’outillage

          La groma 
            
-  La mise à la verticale : opération indispensable. (fils à plomb)
            Les perches de Frontin
       
  Pour la mise à l’horizontale ou cultellation.

             Les jalons - pour les alignements
             Le cordeau
             Perches - Pour mesurer les courtes distances sur le terrain (de l’ordre du pas)
             L’hodomètre - Pour mesurer les grandes distances (ancêtre du compteur kilométrique)

                                                                                                                                 

Tracé des perpendiculaires

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           Balbus propose trois méthodes pour tracer une perpendiculaire :

  1.     Les cercles sécants

 

 

             Pour tracer la perpendiculaire en C à la droite (AB), on prend sur une droite (AB) deux points équidistants de C à partir desquels, on dessine deux cercles, centrés sur ces points et de même rayon. Leur droite d’intersection est perpendiculaire à la droite (AB).

  2.  Triangle inscrit dans un demi-cercle

       Tout triangle inscrit dans un demi-cercle est rectangle. Le diamètre du demi-cercle en est l’hypoténuse (figure en bas,  gauche).

           Pour mener la perpendiculaire en A au mur hachuré, il suffit de prendre un point B arbitraire, de tracer un cercle de centre B qui coupe le mur en A et en un autre point C. La droite (CB) recoupe le cercle en C’. (AC’) est la droite cherchée, perpendiculaire en A à (AC).

  3 - Par le triangle de côtés 3,4,5 ou des multiples de 3,4,5. (6,8,10  ou 9,12,15, etc.)
          
C’est un cas particulier de la propriété de Pythagore, puisque
 3² + 4² = 5². On peut le réaliser de plusieurs façons :                      

 Procédé du cordeau

 

            Ce procédé est employé, encore de nos jours, par les maçons. Pour tracer la perpendiculaire à partir du point A au mur :
            1) - On porte AB = 4 unités (mètre par exemple) le long du mur.
           
2) - Le point C devant se trouver à 3 unités de A et à 5 de B, on trace deux arcs de cercle à l’aide d’un cordeau : l’un de centre A et de rayon 3, l’autre de centre B et de rayon 5. Le point C se trouve à leur intersection.
            La perpendiculaire cherchée est la droite (AC), bleue sur le dessin.

              Inconvénient : Selon les tensions exercées sur le cordeau, il peut s’ensuivre une légère imprécision sur l’intersection C.                       

 La corde à treize noeuds

 

 Principe
         
Treize nœuds équidistants sont répartis sur une corde fine. Ils déterminent 12 intervalles égaux. Or 12 = 3 +  4 + 5. On reconnaît les trois nombres consécutifs qui permettent de construire un triangle rectangle.

 Méthode
             Pour élever à partir de A, la direction perpendiculaire au mur :
             1)     on superpose en A les nœuds 1 et 13,
             2)     puis on tend la corde à partir des nœuds 5 et 10, de manière que le nœud 5 soit contre le mur.
             3)     Le triangle obtenu ayant pour côtés 3,4,5, il est évidemment rectangle.
             Le côté [1 -10], est donc perpendiculaire au mur en A.

           Ce procédé, proche du précédent (cordeau), présente un avantage sur ce dernier : Si l’on exerce une tension sur la corde, elle se répartit tout au long di fil et n’altère pas la précision.

           Une difficulté toutefois :  Il n’est pas aisé de bien  disposer  les nœuds !

           Ce procédé était connu des Grecs, avant l’époque romaine.

                                                                                                          

Quelques applications

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I - La « varation » d’un fleuve - Opération par laquelle on mesure la largeur d’un cours d’eau, sans mesure au sol. (Iunius Nypsius)

            Principe (figure en haut, à gauche)
           
Je pars du triangle rectangle ABI.
            Je porte, dans le prolongement de BI, la longueur IB’ = IB.
              A partir de B’, je trace (B’x) perpendiculaire à (BB’), qui coupe (AI) en C’.
           
Les triangles rectangles ABI et C’B’I sont égaux et B’C’=AB

        Si AB est la largeur du cours d’eau à mesurer, je peux, sans me mouiller, mesurer [B’C’] qui est égal à [AB], la largeur du cours d’eau.

 Sur le terrain :

            Pour connaître la largeur de la rivière :
              1) Je plante un jalon E verticalement sur le bord même ou à une distance que je peux mesure (à condition d’avoir franchi la rivière à gué, à un endroit convenable, ou à l’aide d’un pont),
             2) Je place la groma ou l’équerre d’arpenteur en F sur l’autre rive,
             3) Je repère la direction (FH) perpendiculaire à (EF) que je matérialise avec un cordeau
             4) Sur cette direction je me donne un point G arbitraire, à partir duquel je porte GH = FG.
             5) Je repère la direction (Gt) que je matérialise avec un cordeau et la direction (Hz) perpendiculaire à (FH). Leur intersection I, me donne HI = EF, la largeur de la rivière.

 

 II -  Relier par une droite deux points non visibles l’un depuis l’autre                                                                               

(Héron. Rapporté par Anne Roth-Congès – p. 128)

            A l'aide de la groma ou d’une équerre d’arpenteur, on parcourt le tracé le plus adapté de A jusqu’à B. Ce parcourt repéré :
               1) on fait la somme des abscisses positives ou négatives  
                 
AC + DE – FG - HI
               2) puis des ordonnées     CD + EF + GH -IB,
               3) On les compare. 
            Dans l’exemple ci-dessus, on obtient le rapport 3/2

            A partir de A, il suffit alors de progresser verticalement de 3 et de reculer horizontalement de 2, puis de 6 et reculer de 4, etc.

            Dans la pratique, deux équipes fonctionnent (tunnel d’Eupalinos, à Samos, par exemple – V e siècle av. J.-C.), l’une à partir de A, l’autre à partir de B. le principe restant le même.

        La droite (AB) est la droite cherchée 
                                                                       

 III - Calculer la hauteur d’un point dont la  base est accessible

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              Plusieurs méthodes, basées sur les propriétés développées par le mathématicien et savant grec Euclide (365 ? – 276 ? av. J.-C.), attribuées 19 siècles plus tard au philosophe, moraliste, physicien René Descartes (1596 – 1650 ap. J.-C.).
       1) Superposition des ombres portées (proposition XVIII de l’Optique d’Euclide)

              On place un jalon sur l’axe de l’ombre portée de l’arbre, par exemple, de telle manière que l’extrémité de l’ombre portée de l’arbre et celle du jalon coïncident.

            Sans calculs  (Ecoles primaires)
           
Sur une feuille de dessin on reproduit, à raison de 1 cm pour 1 m (ou autres valeurs simples), les distances OB, OJ, IJ. En B on élève la perpendiculaire qui coupe OI en A On esure AB sur la feuille, on en déduit AB sur le terrain.

            A l’aide d’un calcul simple (A partir classe de quatrième).
               Les triangles rectangles OBA et OJI sont semblables. On déduit :

            AB/IJ = OB/OI. D’où AB = (IJ/OI) x OB.    Compte tenu que OB, OJ et IJ sont faciles à mesurer, le calcul de AB est simple.

            Exemple : OB = 8 m, OI = 1,5 m, IJ = 2m.
                           
Dans ce cas AB = (2 : 1,5) x 8 = 10,7 m.

            Retenons que AB = (IJ/OI) x OB. Le rapport IJ/OI porte le nom de tangente de l’angle aigu IOJ. La trigonométrie faisait ses premiers pas avec Ptolémée (101-179 ap. J.-C.) et fut d’un maniement plus facile avec Aryabhata, mathématicien astronome indien, inventeur de la règle de trois, découvreur de la cause des éclipses de soleil et de lune, qui introduit le calcul du sinus en trigonométrie  en 527. Toutefois, bien avant lui, et sans lui donner de nom, on savait probablement mettre en évidence le rapport (IJ/OI), dénommé plus tard, tangente de l’angle aigu.

            Ces deux méthodes peuvent s’utiliser en l’absence de soleil, si l’on ne recule pas devant la situation inconfortable qui consiste à mettre l’oeil au niveau di sol. A moins qu’on contourne la difficulté ….

                                                                                                          

     2 -  Méthode du miroir (d’Euclide – proposition XIX de l’Optique)

   Méthode rappelée par Catherine Jacquemard (colloque de St-Etienne)

            Principe : Loi de la réflexion (égalité des angles d’incidence et de réflexion) de la lumière dites de Descartes (XVII e ap. J.-C.), mais énoncée en partie par Euclide (Proposition XIX Traité sur l’Optique ).
            Les triangles [MBA] et   [MCO] sont semblables. Il s’ensuit  que AB = (OC/MC) x MB.

              OC, MC et MB étant directement mesurables, la calcul de AB ne présente aucune difficulté.

            On pourrait encore reproduire par un dessin, à l’échelle, le schéma ci-dessus et procéder par mesure, sur le papier, sans effectuer le moindre calcul.
                                                                                                        

 IV - Calculer la hauteur d’un point dont la  base n’est pas accessible

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            En s’appuyant sur les paragraphes précédents :
              1 - On peut procéder par des dessins (aucun calcul)
           2 - On peut calculer (programme de quatrième)
                  AB = (IJ/JC) x (JE + BE)     (Mais BE est inconnu)
                  AB = (KL/LD) x (DE + BE)  (BE toujours inconnu). 

            Prenons un exemple :

         IJ =  KL = 1,2 m
          JC = 1 m et EJ = 29 m  donc AB = (IJ/JC) x CB = (1,2 : 1) x (30 + EB)
         
                                           AB = 1,2 x (30 + EB)      (égalité1) 
          On  recule le jalon de 17,5 m. On mesure LD = 1,5 m.
          AB = ( KL/LD) x DB = (1,2 : 1,5) x (1,5 + 16,5 + 1 +29 + EB) 
        
                                             AB = 0,8 x (48 + EB)      (égalité 2)

         Rapprochons les égalités (1) et (2) qui donnent toutes deux une expression de AB.  On a :    1,2 x (30 + EB) = 0,8 x (48+EB)
                                                   36 + 1,2 EB = 38,4 + 0,8 EB 
                                                   1,2 EB – 0,8 EB = 38,4 – 36
                                                   0,4 EB = 2,4
                                                   EB = 6 

Si l’on porte la valeur EB = 6 dans l’une ou l’autre des égalités (1) ou (2), on trouve AB = 43,2 m

*    *

          Il serait possible de compliquer les situations, mais tel n’est pas notre but. On pourrait chaque fois, se ramener aux cas abordés ci-dessus.

 

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