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technique : |
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Les instruments utilisés par les Romains (2) |
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Présentation
de quelques instruments applications à des opérations simples
Sommaire
(A l'intention du personnel éducatif du Site du pont du Gard) Lundi 14 février 2005 par Claude Larnac Ce travail a été présenté au personnel éducatif du site du pont du Gard afin de lui apporter quelques éléments de réflexion sur des questions souvent posées, relatives à la détermination des pentes (dénivelées), à l’orientation, aux relevés topographiques, aux calculs de hauteurs, de distance, etc. Les bases de ce document se trouvent en particulier dans : 1. les Actes du Colloque international sur le thème de la Dioptre d’Héron d’Alexandrie qui s’est tenu les 17, 18 et 19 juin 1999, au Centre Jean Palerne, Université de Saint-Etienne (Loire). 2. L’arpentage romain de Gérard Chouquer et François Favory avec la collaboration d’Anne Roth-Congès - Ed. Errance – 2001. 3. Réflexions sur l’aqueduc romain de Nîmes – Claude Larnac – En cours d’édition : CDDP de Nîmes.
Cette journée de formation consistait, le matin, en une présentation théorique, accompagnée d’exercices pratiques simples sur place, et l’après-midi en une application sur le terrain : hauteur des niveaux 2 et 2-3 du pont du Gard, largeur du Gardon au droit de la rivière. Quelques notes sur les auteurs antiques cités dans le texte ———— Frontin - Curateur des eaux des aqueducs de Rome (97-98 ap. J.-C. jusqu’à sa mort 103-104 ?), Frontin aurait écrit des textes sur la gromatique (limitations, arpentage) avant l’an 98. Hygin - Lequel ? G. Chouquer et F. Favory en mentionnent trois
Balbus - Arpenteur (II e siècle ap. J.-C.) Iunius Nypsius (ou Nypsus ou Nipsus) - cité de nombreuses fois par Anne Roth-Congès (Colloque de St-Etienne). Pythagore - (572 ?- 493 av. J.-C.)- remarquable mathématicien auquel on attribue la très célèbre propriété qui régit la relation entre les trois côtés d’un triangle rectangle. Nous réservons une page à ladite propriété, pressentie par les Babyloniens quinze siècle siècles avant sa naissance et démontrée deux siècles plus tard par Euclide. EUCLIDE
- (365 ?
– 276 av. J.-C.). Son œuvre
est immense tant par la diversité des sujets que par la qualité de son
travail. Il démontra le théorème « de Pythagore ».
Il établit les lois de la réflexion de la lumière que nous utiliserons
dans nos exercices pratiques, lois
attribuées 19 siècles plus tard à Descartes… VERUS - le boutiquier de Pompéi qui, lors de l’éruption du Vésuve (79 ap. J.-C.), détenait une groma et divers autres instruments de nivellement. Vitruve - (88-26 av. J.-C.), ingénieur-architecte qui vécut à l’époque de César, nous intéresse par le livre VIII de De Architectura , qui traite de l’eau : repérage des sources, captage, conduite de l’eau, distribution dans les villes. Mais « on ne saurait dire avec certitude si le livre VIII du De Architectura, est le fruit d’une expérience professionnelle ou, au contraire, si l’activité de Vitruve à l’administration des eaux consacra la notoriété d’un livre qui touchait à ces problèmes » (Louis Callebat, professeur à l’Université de Caen, traducteur du livre VIII). Vitruve commit entre autres, et par manque de précision, des erreurs sur les conditions d’écoulement des eaux dans un canal ou sur les caractéristiques du chorobate. HÉRON D’ALEXANDRIE - (I er siècle ap. J.-C., selon Dimitris Raïos), auteur du traité de La Dioptre, au travers duquel il aborde aussi bien la géométrie pure, la topographie, la technique des mesures, l’hydrographie, la mécanique des fluides, etc. Sa dioptre, ancêtre de l’actuel théodolite, dans laquelle les réglages se faisaient par des niveaux à eau et des fils à plomb, trouvait son utilité en topographie, sur terrain plat ou accidenté, pour mesurer les hauteurs inaccessibles, repérer les prolongements des tracés souterrains ou en astronomie. Les
auteurs modernes cités pendant la journée ———
I - Gérard Chouquer et François Favory - II - In Argoud-Guillaumin - Colloque international de Saint-Etienne Autour de la Dioptre d’Héron d’Alexandrie - 2000 - Publications de l’Université de Saint-Etienne :
——— Arpentage « L’arpentage courant, de tradition immémoriale, concerne toutes les opérations de topographie, levées de terrain à usage cadastral, architectural ou urbanistique » (G. Chouquer F. Favory) Le mensor ou limitator (terme anachronique), le géomètre topographe, est le personnage clé de la limitation. Il sait lever un plan, calculer les aires d’un terrain ou d’un territoire aux contours irréguliers. Limitation « La limitation au contraire s’inscrit dans le temps : c’est un système original de découpage du sol régulièrement corroyé par des chemins (limites en latin), étendu au territoire de la colonie ou de toute autre cité de statut variable dans toutes les provinces de l’Empire » (id°).
Formule d’Héron, pour le calcul de l’aire d’un triangle en fonction de ses trois côtés. Où a, b, c sont les mesures des côtés et p le demi-périmètre. Malgré sa complexité apparente, cette formule, qu’on enseigne toujours aux élèves des classes de premières scientifiques, est d’un emploi très pratique puisqu’elle ne nécessite pas de calcul de hauteur.
Par exemple si un triangle ABC a pour côtés : On peut décomposer tout polygone en triangles et répéter cette formule autant de fois que nécessaire. Les aires des parties informes extérieures, stériles, (subsecivum : subsécive) peuvent s’évaluer par des méthodes d’approximation. Limitation ou arpentage sont des opérations différentes qui utilisent les mêmes instruments. L’activité que nous menons dans le cadre de cette journée est du domaine de l’arpentage et du nivellement. Quelques notes sur la propriété de Pythagore ——— Bien avant Pythagore, les Babyloniens …. Sur la tablette YBC 7289, d’environ 16 cm², le scribe a gravé un carré avec ses diagonales. Le long d’un côté, le nombre 30, au-dessus d’une diagonale, le nombre 1,414 en notation sexagésimale. Et au-dessous de cette même diagonale, toujours dans cette notation, 42,41, lequel est le produit de 30 par 1,414. Ce résultat est exactement conforme à la règle selon laquelle la diagonale d’un carré est égale au produit de la mesure du côté par √2. Ainsi, vers 1700 à 1900 av. J.-C., les Babyloniens connaissaient un cas particulier de la réciproque du théorème de Pythagore. Ils savaient aussi qu’un triangle dont les côtés ont pour mesure 3,4,5 est rectangle et que le carré du plus grand côté est égal à la somme des carrés des deux autres : 5² = 3² + 4² ou 25 = 9 + 16 … Treize siècles plus tard vint Pythagore Cette propriété, toujours non démontrée, fort intéressante, est attribuée à Pythagore. Henri, en 1615 commente la cérémonie : lequel (Pythagore) en fut si content et joyeux, que pour en rendre grâce aux dieux, plusieurs disent qu’il sacrifia une Hécatombe (sacrifice de cent boeufs) et d’autres rapportent qu’il ne leur sacrifia qu’un bœuf ; ce qui est plus vray-semblable que non pas qu’il en ait immolé cent, veu que ce philosophe faisoit très grand scrupule d’espandre le sang des animaux ». Et enfin Euclide en donna la démonstration (livre 1, proposition 47) « Aux triangles rectangles, le quarré du costé qui soustient l’angle droict, est égal aux quarrez des deux autres costez » (Traduction de Henrion, 1615). Les applications furent surtout orientées vers le tracé d’un angle droit. Nous retiendrons en particulier la construction des perpendiculaires à l’aide de la corde à 13 nœuds. ——— Le gnomon
L’orientation d’une carte, repose
sur le repérage des points cardinaux.
Alors …. on cherche le Nord. Le
gnomon : Cercle indien On trace un cercle centré au pied du bâton (gnomon) de rayon suffisant pour que l’ombre portée par l’extrémité du gnomon le coupe deux fois dans la journée : le matin en A et le soir en B. On joint le milieu I du segment AB au pied du gnomon, on obtient ainsi la direction nord-sud du lieu. I - Les instruments de visée -------- Ce sont les appareils qui servent à tracer les alignements et les angles. Comparaisons
Sur le papier
Sur le terrain « Le principe de l’arpentage réside dans la pratique de l’alignement » (Frontin) 1 - Le Ferramentum dit groma
C’est par excellence l’outil du limitatif. Celui qui l’utilise est
le gromaticus (Pseudo-Hygin). La groma selon
Anne Roth-Congès 2 - Les dioptres – Nom générique des appareils de visée. Elles rassemblent la presque totalité des appareils à pinnules (viseurs) : niveaux à eau, chorobate (vu par Newton), etc. Noter le genre féminin du mot, à l’inverse du dioptre optique qui est la surface matérielle qui sépare deux milieux de transparences différentes (surface d’une loupe, plan d’eau, etc.) 3- Les équerres d’arpenteur
Ce sont des chambres noires cylindriques ou prismatiques ou sphériques percées
de fentes verticales diamétralement opposées. Le montage le pus simple, celui
que nous présentons, est formé de quatre fentes,
disposées selon deux directions perpendiculaires.
Ses caractéristiques : II – Les instruments de nivellement ---- Le niveau d’eau
le chorobate Description donnée par Vitruve (livre VIII de "l'architecture"- traduction de Louis Callebat - Les Belles Lettres- Paris - 1973). .
"… Le chorobate est une règle
longue d'environ 20 pieds (6
m). A ses extrémités cette règle a des pièces transversales parfaitement
identiques et assemblées en équerre aux bouts de la règle ; entre la règle
et ces pièces, fixées par des tenons, des traverses qui portent des lignes
exactement tracées en perpendiculaire, et, suspendus, un de chaque côté, à
la règle, des fils à plomb qui, lorsque la règle est en place, s'appliqueront
d'une manière rigoureusement identique aux lignes tracées, indiquant que la
position est horizontale. Autre hypothèse d’utilisation du chorobate
Instrument de nivellement, on l’utilise sans pinnules, en le déplaçant de sa
longueur sur tout le tracé d’un aqueduc. (Théorie de Germain de Montauzan,
spécialiste des aqueducs de Lyon).
La dioptre d’Héron d’Alexandrie ----
C’est l’ancêtre du théodolite, mais ne possède pas d’optique.
L’importance d’une horizontale de référence ----- C’est à partir du tracé de l’horizontale qu’on définit la pente d’un aqueduc, la profondeur d’un tunnel. D’où l’intérêt qu’on porte à son degré de précision. . C’est à partir du tracé de l’horizontale qu’on peut donner au radier une dénivelée de 1 cm par exemple sur sa longueur. Il suffit pour cela de porter 1 cm de plus en C qu’en A.
Pour l’aqueduc de Nîmes, dont la pente moyenne est
de 25 cm par kilomètre, soit 1 cm pour 40 m, il suffit, si AC = 40 m, de porter
AB = 119 cm et CD = 120 cm. III - Les instruments de mesure et de dessin ---- La boutique de Vérus à Pompéï a livré d’autres objets :
une règle pliante, longue d’un pied romain avec une seule articulation. On en
voit d’autres au musée de Naples, Les mesures de longueurs romaines ---- L’unité principale est le pied (pes, au pluriel pedes ) Les
mesures de longueur romaines (pied = 29,57 cm)
IV - L’art de la mesure ---- 1 - techniques et principes du levé topographique (Mme Anne Roth-Congès – Actes du colloque de Saint-Etienne – p. 109) L’outillage
La groma
Les jalons -
pour les alignements Tracé des perpendiculaires ---- Balbus propose trois méthodes pour tracer une perpendiculaire : 1. Les cercles sécants
Pour tracer la perpendiculaire en C à la droite (AB), on prend sur une droite (AB) deux points équidistants de C à partir desquels, on dessine deux cercles, centrés sur ces points et de même rayon. Leur droite d’intersection est perpendiculaire à la droite (AB). 2. Triangle inscrit dans un demi-cercle Tout triangle inscrit dans un demi-cercle est rectangle. Le diamètre du demi-cercle en est l’hypoténuse (figure en bas, gauche). Pour mener la perpendiculaire en A au mur hachuré, il suffit de prendre un point B arbitraire, de tracer un cercle de centre B qui coupe le mur en A et en un autre point C. La droite (CB) recoupe le cercle en C’. (AC’) est la droite cherchée, perpendiculaire en A à (AC). 3 - Par le triangle de côtés 3,4,5 ou des multiples de 3,4,5.
(6,8,10 ou 9,12,15, etc.) Procédé du cordeau
Ce procédé est employé, encore de nos jours, par les maçons. Pour tracer la
perpendiculaire à partir du point A au mur :
Inconvénient : Selon les tensions exercées
sur le cordeau, il peut s’ensuivre une légère imprécision sur
l’intersection C.
Principe Méthode Ce procédé, proche du précédent (cordeau), présente un avantage sur ce dernier : Si l’on exerce une tension sur la corde, elle se répartit tout au long di fil et n’altère pas la précision. Une difficulté toutefois : Il n’est pas aisé de bien disposer les nœuds ! Ce procédé était connu des Grecs, avant l’époque romaine. Quelques applications---- I
- La « varation » d’un fleuve
-
Opération par laquelle on mesure la largeur d’un cours d’eau, sans
mesure au sol. (Iunius Nypsius)
Principe (figure en haut, à gauche) Si AB est la largeur du cours d’eau à mesurer, je peux, sans me mouiller, mesurer [B’C’] qui est égal à [AB], la largeur du cours d’eau. Sur le terrain :
Pour connaître la largeur de la rivière :
II
-
Relier par une droite deux points non visibles l’un depuis l’autre
(Héron. Rapporté
par Anne Roth-Congès – p. 128)
A l'aide de la groma ou d’une équerre d’arpenteur, on parcourt le tracé le
plus adapté de A jusqu’à B. Ce parcourt repéré : A partir de A, il suffit alors de progresser verticalement de 3 et de reculer horizontalement de 2, puis de 6 et reculer de 4, etc. Dans la pratique, deux équipes fonctionnent (tunnel d’Eupalinos, à Samos, par exemple – V e siècle av. J.-C.), l’une à partir de A, l’autre à partir de B. le principe restant le même.
La droite (AB) est la droite cherchée III - Calculer la hauteur d’un point dont la base est accessible ----
Plusieurs méthodes, basées sur les propriétés développées par le
mathématicien et savant grec Euclide (365 ? – 276 ? av. J.-C.),
attribuées 19 siècles plus tard au philosophe, moraliste, physicien René
Descartes (1596 – 1650 ap. J.-C.). On place un jalon sur l’axe de l’ombre portée de l’arbre, par exemple, de telle manière que l’extrémité de l’ombre portée de l’arbre et celle du jalon coïncident.
Sans calculs (Ecoles primaires)
A l’aide d’un calcul simple (A partir classe de quatrième). AB/IJ = OB/OI. D’où AB = (IJ/OI) x OB. Compte tenu que OB, OJ et IJ sont faciles à mesurer, le calcul de AB est simple.
Exemple : OB = 8 m, OI = 1,5 m, IJ = 2m. Retenons que AB = (IJ/OI) x OB. Le rapport IJ/OI porte le nom de tangente de l’angle aigu IOJ. La trigonométrie faisait ses premiers pas avec Ptolémée (101-179 ap. J.-C.) et fut d’un maniement plus facile avec Aryabhata, mathématicien astronome indien, inventeur de la règle de trois, découvreur de la cause des éclipses de soleil et de lune, qui introduit le calcul du sinus en trigonométrie en 527. Toutefois, bien avant lui, et sans lui donner de nom, on savait probablement mettre en évidence le rapport (IJ/OI), dénommé plus tard, tangente de l’angle aigu. Ces deux méthodes peuvent s’utiliser en l’absence de soleil, si l’on ne recule pas devant la situation inconfortable qui consiste à mettre l’oeil au niveau di sol. A moins qu’on contourne la difficulté ….
2 - Méthode
du miroir (d’Euclide – proposition XIX de l’Optique) Méthode rappelée par Catherine Jacquemard (colloque de St-Etienne)
Principe : Loi de la réflexion
(égalité des angles d’incidence et de réflexion) de la lumière dites de
Descartes (XVII e ap. J.-C.), mais énoncée en partie par Euclide
(Proposition XIX Traité sur l’Optique ).
On pourrait encore reproduire par un dessin, à l’échelle, le schéma
ci-dessus et procéder par mesure, sur le papier, sans effectuer le moindre
calcul. IV - Calculer la hauteur d’un point dont la base n’est pas accessible ----
En s’appuyant sur les paragraphes précédents : Prenons un exemple :
IJ = KL
= 1,2 m
Rapprochons les égalités (1) et (2) qui donnent toutes deux une expression de
AB. On
a : 1,2
x (30 + EB) = 0,8 x (48+EB) Si l’on porte la valeur EB = 6 dans l’une ou l’autre des égalités (1) ou (2), on trouve AB = 43,2 m * * Il serait possible de compliquer les situations, mais tel n’est pas notre but. On pourrait chaque fois, se ramener aux cas abordés ci-dessus.
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