Le
Pont du Gard est situé dans la commune de Vers qui depuis quelques
années porte le nom de Vers-Pont-du-Gard.
Le Pont du Gard est un monument classé par l'U.N.E.S.C.O. comme faisant
partie du patrimoine mondial. Mais le sol sur lequel il s'appuie est
versois. Vers possède le foncier et une bonne partie de l'aqueduc et
elle porte son nom. Il n'en faut pas plus pour attiser des petites
rancoeurs entre les villages qui, au siècle dernier, débouchaient dur
des "battestes". Aujourd'hui ces guerres picrocholines
ont disparu mais le vieux pont fait toujours l'objet de bien des
convoitises. C'est la rançon du prestige.
Le pont romain est tronqué. Une montée d'escaliers, construite par
l'ingénieur nîmois Questel, permet en un tour et demi de vis
d'atteindre le radier de l'aqueduc.
De part et
d'autre de l'ouverture qui donne sur ces escaliers foisonnent des signes
gravés dans la pierre tendre de calcaire coquillier. La plupart de ces
marques ne sont pas des graffitis mais des traces laissées par des
compagnons maçons qui ont travaillé sur le pont. Marquer son passage,
pour un compagnon, c'est laisser sa signature. Quoi de plus naturel pour
un artiste ? Les compagnons maçons ne sont pas les seuls à avoir
laissé la marque de leur passage. Des maréchaux-ferrants, des
charpentiers, des serruriers et même des boulangers ont tenu à rendre
visite au prestigieux monument. Ils y ont inscrit leurs empreintes les
plus chères.
Un des plus beau
signe, une véritable composition, se trouve à quelques mètres de
l'ouverture, sur la façade nord du pont - donc sur le côté
gauche - en haut du deuxième étage. Il est inscrit dans le galbe de la
corniche, ce qui le rend difficilement visible après dix heures du
matin, lorsque cette face est dans l'ombre. L'inscription :
" FOUCHE DIT LA VERTU DE SAINTES" est suivie du tracé de six
instruments de maçons dont nous parlerons plus loin.
La Clairière : La clairière est tout à côté de l'ouverture
qui donne accès à l'aqueduc. Pour l'atteindre nous devons tourner le
dos au Pont du Gard et remonter le sentier le long des fouilles sur cinq
à six mètres. Un tout petit sentier, sur la gauche, descend sur la
clairière en moins d'une minute.
De la clairière,
la vue sur le pont est prodigieuse. Au font, sur l'autre rive du Gardon,
la colline boisée est restée intacte. Une grotte de petites dimensions
évoque les peuplades primitives qui vivaient dans le site depuis
l'origine de l'homme. De l'homo sapiens en passant par les chasseurs et
pêcheurs magdaléniens, jusqu'aux bergers et cultivateurs sédentaires,
les Gorges du Gardon ont connu toutes les étapes qui ont marqué
l'évolution de l'humanité sur nos terres.
Sur la gauche, le
monument domine imposant mais léger. Seule, et c'est dommage, la partie
inférieure des arches du premier étage échappe à notre vue. En
revanche les onze arches du deuxième étage se superposent élégamment
sur celles du premier.
Quelques claveaux
en relief et très apparents dans la concavité des arcades permettaient
le calage des gabarits. D'autres ressortent en façade : ils
supportaient les échafaudages.
Nous avons dit
que les arches des deux premiers étages se superposaient exactement,
mais au niveau d'un même étage leurs ouvertures diffèrent
sensiblement : elles varient de 19,5 mètres à près de 25 mètres. La
plus large enjambe le Gardon.
Le troisième
étage est constitué de 35 arcades toutes semblables. La monotonie ne
gêne pas. Elles sont si haute qu'on les perçoit comme un feston de
pierres finement ciselé. Elles ont pourtant des dimensions respectables
puisque l'ouverture est de 4,8 mètres et la hauteur de 7,4 mètres.
Chacune pourrait contenir une maison à étages ! Les arcades du
troisième étage de dimensions régulières recouvrent les arches du
second d'ouvertures régulières. C'est ainsi qu'aux arches du deuxième
étage sont superposées trois arcades et que la grande arche en
supporte quatre.
Au dessus des
arcades du troisième étage se situe l'aqueduc, pièce maîtresse du
Pont. On distingue aisément sa hauteur primitive, très apparente aux
deux extrémités. Sur la façade, à un mètre de la partie la plus
haute, les pierres en relief qui déterminaient la bordure supérieure
du canal apparaissent sous la forme d'une margelle. Elles déterminent
maintenant la base de la surélévation du canal.
Les arches du second étage épaisses de 4,5 m sont formées de trois
parties juxtaposées très distinctes. Cette technique de construction
trouverait sa justification, dit-on, dans le souci de donner plus de
souplesse au monument en cas de mouvement de terrain. Au premier étage
on retrouve la même disposition mais en quatre parties.
Ce mode de
construction semble avoir fait école dans notre région vulnérable aux
secousses sismiques. Les ponts de Pont-Saint-Esprit et le
Pont-Saint-Bénézet d'Avignon sont construits eux aussi sans liaison
des partie latérales.
De la clairière,
endroit privilégié, nous pouvons comprendre quelques principes
important de l'architecture romaine : qualité, harmonie,
fonctionnalité.
De la plage, la vue sera plus complète et le pont plus majestueux.
Sur la plage : Un sentier borde le bas de la clairière et
conduit au bord du Gardon. De la plage, le Pont apparaît dans toute sa
majesté. Dominant la rivière de cinquante mètres, il est le plus haut
des aqueducs romains. L'équilibre entre les parties pleines et les
parties vides, la couleur jaune dorée de la pierre dans l'échancrure
verdoyante de la garrigue évoquent bien un beau bijou finement ciselé
posé dans un délicat écrin de velours vert.
Il serait dommage
de ne rester sur la plage que le temps d'un coup d'oeil et d'une prise
de vue. Le pont est plus qu'une image qu'on montrera à ses amis. Il
mérite quelques instants d'attention, quelques moment de réflexion. Il
suscite l'intérêt pour qui veut bien s'y attarder. Resplendissant sous
le soleil, féerique en contre jour, impressionnant la nuit, il est tout
un programme. Revenir la nuit tombée, muni d'une lampe de poche pour
apprivoiser les ombres du sous bois et la raideur des marches, fait
partie des bons souvenirs.
Le canal : Pour les privilégiés accompagnés d'un guide, après
avoir profité de la vue extérieure, on peut remonter sur la colline,
emprunter les escaliers en colimaçon de Questel et s'engager dans le
canal.
De part et
d'autre de l'entrée sont gravés des signes compagnonniques :
équerres, compas, fer à cheval, inscriptions rappelant différentes
corporations et différentes générations d'artistes maçons,
maréchaux ferrants ou charpentiers.
La montée
d'escaliers intégrée dans le pilier terminal en 1844 ne permet pas les
croisements. Un tour et demi de vis et l'on accède au canal. Dès que
l'on pose les pieds sur le radier on distingue sur les parois montées
avec des moellons bien taillés la couche de mortier de tuileau de
l'aqueduc primitif. Par endroit des plaques de badigeon rouge s'étalent
sur les côtés.
En amont du Pont, au fond de la vallée, en provenance de Saint-Privat,
la rivière coule au travers d'une verdoyante forêt riveraine (que les
botanistes dénomment ripisylve. La vallée, encaissée jusqu'au
Pont, s'élargit en aval. Le Pont du Gard marque la fin des Gorges du
Gardon. Dirigeons notre regard vers l'amont. Les versants boisés sont
abrupts et se confondent vers le haut avec une garrigue qui se
développe à l'infini. Au fond, le château de Saint-Privat reste
invisible. On prétend que de sa tour de guet on n'aperçoit le Pont du
Gard que si l'on s'élève de deux mètres au-dessus de la terrasse
supérieure : stratagème qui permettrait de voir, à partir du
Château, sans être vu du Pont du Gard.... Aujourd'hui, le Château
n'est ni un poste de garde ni un état-major. Il mérite une mention
particulière, tant son histoire est liée à celle des Romains, à
celle du Pont du Gard et à celle de l'histoire du protestantisme
français.
Avançons dans l'aqueduc. Soudain le canal, qui était jusque là à
ciel ouvert, se surélève et devient couvert. Cette surélévation
permettait l'augmentation de la section utile et u meilleur passage de
l'eau dans cette conduite forcée. On aperçoit sans difficulté la
reprise du mortier de tuileau au-delà de1,2 m à partir du sol. Elle se
prolonge jusqu'à la dalle supérieure. Les grains d'argile cuite qui
caractérise le mortier de tuileau sont d'une grosseur un peu
différente de celle de la couche primitive et la densité de
répartition de ces grains est un peu différente. Cet enduit atteint
maintenant la couverture de l'aqueduc. Cette couverture est en dalles
plates, ce qui est exceptionnel le long des cinquante kilomètres de
l'aqueduc qui est presque partout voûté.
Sur les côtés
les concrétions sont très épaisses. On se trouve dans une des parties
où l'accumulation des dépôts calcaires est des plus importantes, mais
on trouve encore plus épais en aval du Pont de Valmale.
On marche sur un
béton qui protège le radier d'origine. Au niveau des goulottes
d'évacuation des eaux de pluie, de facture récente, on peut voir la
tranche de cette protection et apprécier son épaisseur qui est de
l'ordre de dix centimètres. La hauteur libre du canal est de 1,7
mètres environ. Elle était de 1,8 mètres à l'époque du
fonctionnement de l'aqueduc, après la surélévation.
Les dalles qui
recouvrent le canal forment essentiellement deux ensembles avec un
espace vide entre les deux.
Sur la partie
supérieure, à l'extérieure, les signes compagnonniques se suivent.
Quoi de plus pratique que des grandes dalles pour graver ? Pour les voir
il faudrait monter sur la couverture de l'aqueduc, ce qui est interdit
et, en tous cas, vivement déconseillé. Marcher sur des dalles de 3,6
mètres de large à 50 mètres au-dessus de la rivière est dangereux :
inutile de dire que les chutes ne laissent aucune chance de survie à
leurs victimes.
Les parties extrêmes du canal ont été restaurées. A l'extrémité
Est et très facilement repérable, les parois détruites ont été
remontées jusqu'au niveau initial. Les restaurateurs ont sauvé les
apparences, mais ils ont oublié d'enduire les parois de mortier de
tuileau. Quand aux concrétions disparues, elles manqueront toujours.
Des plaques en
céramique pas très en harmonie avec les vieilles pierres marquent la
rupture des niveaux supérieurs que nous avions signalée à l'autre
extrémité du Pont.
L'aqueduc se
termine par quelques marches d'escaliers récentes qu'il faut descendre.
Un tunnel lui fait face. Ce tunnel, creusé par Bravay en 1864, a été
évoqué dans la première partie.
En bas du Pont du Gard :
Longer le Pont du Gard par le pont routier et passer sur la rive
gauche du Gardon à la rive droite constitue un programme. C'est un
parcours classique qu'on peut aisément agrémenter d'histoires. Sur ce
pont on peut apprendre à chaque pas.
A partir de l'hôtel Labourel et en remontant vers le Pont nous
découvrons tout de suite, sur notre gauche, une grande cavité d'une
quinzaine de mètres d'ouverture, de sept à huit mètres de haut et
d'une dizaine de mètres de profondeur. C'est la grotte de la Salpétrière.
Des générations d'archéologues l'ont fouillée. Ils ont
découvert plus de dix étages caractéristiques d'époques s'étendant
des Moustériens aux Pasteurs en passant par les Magdaléniens
chasseurs et pêcheurs. Des représentants de ces nombreuses ethnies ont
laissé des indices sur leurs activités et sur leur façon de vivre
dans les grottes du Gardon, dont la Salpétrière et la Balouzière font
partie. La salle Bayol, au muséum d'histoire naturelle à Nîmes
rassemble un certain nombre de ces témoignages.
La grotte est
vide maintenant. Des panneaux explicatifs seraient les bienvenus.
Le chemin de Saint-Privat : Du même côté du Gardon se glisse
en contrebas, entre la route qui va vers le Pont et le Gardon, le chemin
de Saint-Privat. La visite du château du XIIIème siècle et des
jardins est réglementée. Il convient de se renseigner auprès de
l'office du tourisme.
Nous pouvons nous engager sur le Pont. Sur la façade nord du Pont du
Gard, à notre gauche, et sur le parapet du pont routier, à droite, les
signes compagnonniques occupent la plus grande partie des surfaces
planes. Le matin, le soleil éclaire la façade nord du Pont du Gard et
l'après midi il éclaire la paroi verticale du pont routier. Il est bon
de tenir compte des périodes d'ensoleillement pour obtenir les signes
dans les meilleures conditions de visibilité.
Le pont routier : Il fut construit par Henri Pitot entre 1743 et
1747. Jusqu'en 1743 le Pont du Gard n'était pas strictement un aqueduc.
En fait depuis le début du treizième siècle des échancrures furent
pratiquées sur les piliers des arches du deuxième étage afin de
laisser le passage à un mulet bâté. Cette situation ne pouvant pas
durer, les Etats du Languedoc envisagèrent de grands travaux : la
restauration du Pont aqueduc et la construction d'un pont routier
attenant au Pont du Gard.
Les pierres pour
la construction de l'ouvrage ont été extraites dans les fouilles des
arches disparues en amont du Monument. La ressemblance des deux ponts
est donc frappante. Les blocs utilisés proviennent de la même
carrière et il ont été extraits à la même époque , il y a deux
mille ans. La seule différence de traitement depuis la nuit des temps
est que les uns ont été exposés aux intempéries depuis le début
alors que les autres, enfouis dans la terre pendant seize siècles, ont
meilleure allure maintenant.
L'observateur
attentif remarquera une différence entre la finition supérieure des
avant bec romains, en amont, et la partie supérieure des arrières becs
de Pitot, en aval. Cette différence n'a pas été appréciée par tous
les réalisateurs de gravures représentant le Pont du Gard. Ils n'ont
pas retenu la nuance. La trouverez-vous ?
La traversée du Gardon posa un problème jusqu'au milieu du XVIIIème
siècle. En l'an 218 avant J.C., Annibal, se rendant d'Espagne en
Italie, traversait le Gardon à gué et le Rhône à l'aide
d'utricules. Dès l'époque romaine on traversait le Gardon avec des
bacs. Selon Maurice Billo ( "Histoire des ponts routiers sur le
Gardon" ), les bacs sont mentionné comme moyens de transfert
à Remoulins dès le Moyen-Age et ce jusqu'en 1830.
En 1830, le
premier pont suspendu de Remoulins fut mis en service, ce qui diminua le
trafic sur le pont routier Pitot. Le passage des convois importants
perturbent le Pont du Gard. C'est pourquoi des témoins ont été posés
sur les piliers du deuxième étage de manière à surveiller
l'importance des fissures. L'avenir du Pont du Gard dépend des
précautions qu'on prend (ou qu'on ne prend pas) maintenant. Les
voitures et poids lourds n'ont plus le droit d'emprunter le pont
routier. C'est la moindre des mesures. Il conviendrait que, dans un
proche avenir, on interdise le survol du site par des engins
générateurs de vibrations à résonance nuisibles.
Voir le Pont du Gard sous un bel angle et vues inhabituelles :
De la rive gauche du Gardon :
En amont du Pont du Gard : En venant du Pont Roupt ou des arches
de Valive, on aborde le Pont du Gard par les fouilles qui supportaient
les arches disparues. Henri Pitot a réutilisé les blocs pour
construire le pont routier attenant au monument. Au niveau des
premières fouilles, venant du Pont de Valive, on tourne sur la droite
en direction du belvédère, signalé par des bornes. Deux minutes de
marche sur un terrain plutôt dénudé permet d'atteindre le point
d'observation. La vue sur le Pont est d'autant plus vraie que le pont
routier demeure peu visible. C'est vers le début d'après midi que la
pierre présente, en automne et au printemps, ses couleurs les plus
chaudes. Ici, comme partout dans le site, l'aspect sauvage et l'absence
de constructions contribuent à valoriser le paysage de garrigue. On
peut se reposer sur un banc de pierre, prendre son temps, admirer la
silhouette du Pont du Gard.
Plus loin, en amont, après avoir marché sur des rochers plats et
traversé des bosquets de chênes verts, en bordure d'un champ de
romarins, une image semblable du Pont plus proportionnée au cadre
naturel mérite le détour. Au lever du soleil c'est un contre jour et
au milieu de l'après midi c'est la couleur.
En aval du Pont du Gard : Le point de départ est l'auberge du
"Vieux moulin". Cette auberge, qui fit partie jadis des trois
moulins du domaine de Saint Privat, occupe une position privilégiée
sur le site. De sa terrasse on a une vue directe sur le Pont du Gard.
De la plage, le grand pont se détache de la vallée. La partie
supérieure des plateaux alentours s'estompe derrière la masse
imposante mais légère du monument. Cet équilibre harmonieux résulte
de l'esthétique de l'ouvrage, de la finesse de l'aqueduc, de la forme
élégante des arches, de leur ouverture, des proportions entre les
pleins et les vides habilement répartis sur l'ensemble du monument.
Selon Vitruve, les Romains imposaient à leurs monuments : solidité,
utilité et beauté. L'aqueduc dans son ensemble répondait-il à ces
trois impératifs ? sans doute. Quant au Pont du Gard, c'est sans
aucun doute.
En fin d'après-midi, le soleil s'efface au sud-ouest en hiver, au
nord-ouest en été. Mais pendant deux périodes intermédiaires de
l'année, voisine des équinoxes, le soleil se couche dans une
dépression. L'ombre portée du Pont du Gard sur la colline de la rive
droite est presque horizontale. Ce spectacle discret se voit de la rive
gauche en aval du Pont.
De la rive droite du Gardon :
En amont du Pont du Gard : C'est le coin favori des matinaux. Deux
directions d'observation sont particulièrement intéressantes :
a) soit le
long du chemin de Saint Privat.
b) soit dans
la colline en amont du Pont.
a) Le long du chemin de Saint Privat, autour du 20 juin c'est à
dire autour du solstice d'été, au lever du soleil, l'ombre portée du
Pont sur la rive gauche est la plus marquée de l'année. L'effet est
artistique. Cette partie du site sauvage plus que toute autre est
appréciée par ceux qui, appareil photos en bandoulière, recherchent
les belles images du Pont.
Le matin est le moment choisi des contre-jours, des senteurs et de la
fraîcheur. L'après-midi est le moment le meilleur pour apprécier et
photographier, de préférence avec un téléobjectif de 200 mm de
focale, la fameuse inscription :
MENS
Totum
corium
Pour cela, si l'on a le pied marin - sinon s'abstenir -, on peut se
rendre sur le rocher au pied du pilier de l'arche qui enjambe le Gardon.
On se trouve ainsi au pied de l'avant-bec rive droite, en amont de la
rivière par rapport au monument. L'inscription gravée sue cet
avant-bec est facile à repérer : la gravure se trouve sur une pierre
de l'avant-bec à section presque carrée de 50x40 cm environ. Il s'agit
de la sixième pierre de l'avant-bec à partir du haut. Cette pierre
jouxte le pilier de la grande arche qui surplombe le Gardon. La lecture
à l'oeil nu est assez facile mais il pourrait être dangereux de trop
s'avancer sur le rocher au risque de glisser et de tomber dans la
rivière d'une hauteur de plusieurs mètres. Des jumelles permettent de
bien voir sans trop s'approcher.
MM. Jacques Gascou et J.L. Paillet, dans "l'aqueduc de Nîmes et
le Pont du Gard ", ont étudié cette inscription qui serait
connue depuis le XVIIème siècle. Ils ont fait intervenir des
spécialistes de l'épigraphie antique. Elle constituerait un
témoignage par lequel l'architecte concepteur et le maître d'oeuvre
auraient exprimé que la façade (ou les élévations) auraient été
entièrement mesurées. MM. Gascou et Paillet écrivent : " ...
Le rédacteur de l'inscription airait peut-être voulu signaler le fait
que l'épiderme du monument aurait été, dans sa totalité, mesuré.
Cette expression sous-entend évidemment que les façades ont été
mesurées soigneusement lors de l'implantation et de la
construction, mais aussi dessinées et composées antérieurement. ...
Faisant référence à la totalité de l'oeuvre, ... l'on pourrait en
définitive proposer la traduction suivante : "L'épiderme - du
monument - dans sa totalité - autrement dit les parements vus,
c'est-à-dire les façades et les coupes - a été mesuré.
L'inscription, selon cette interprétation, ne pourrait donc être que
contemporaine de la construction du monument et sa graphie, seul
élément utilisable pour une datation approximative, prendrait toute
son importance." Jusqu'au début de l'après-midi l'inscription reste dans l'ombre.
Située à sept mètres au dessus du sol seul le mot MENS ressort
nettement. La lumière solaire est nécessaire. Quelle émotion on
ressent à la lecture d'un tel témoignage.
b) Dans la colline, en amont , on se trouve au-dessus du Pont.
Là une vue est du plus bel effet. Deux itinéraires y conduisent à
partir du bas. Du chemin de Saint-Privat un sentier balisé permet
d'atteindre la partie supérieure du Pont et de la dépasser en une
vingtaine de minutes. La pente est douce.
Il n'en n'est pas de même si l'on emprunte le sentier muni de marches
d'escaliers de la rive droite, côté aval par rapport au Pont. Les
marches d'escaliers, mal réparties, provoquent des essoufflements. Ce
sentier mériterait d'être conçu autrement.
Les points panoramiques à partir desquels on domine le Pont du Gard
font oublier l'énergie déployée tant le spectacle des vieilles dalles
qui recouvrent le Pont, si mince dans ce cadre grandiose, impressionne.
On peut s'asseoir, se reposer et méditer.
En aval du Pont du Gard : Nous suggérons de voir le Pont du Gard
à partir de deux lieux d'observations peu fréquentés.
a) Premier point de vue : On se rend d'abord au Pont de Valmale.
On s'engage ensuite le long du sentier qui longe l'aqueduc en aval de ce
dernier. On se trouve donc dans les "bois de Remoulins". Une
marche de cinq ou six minutes le long des vestiges conduit au premier
point de vue : C'est le dernier endroit d'où l'on peut voir le Pont du
Gard quand on suit cet itinéraire. Le Pont apparaît asymétrique car
la colline à gauche l'occulte en partie. La vue est inhabituelle. C'est
le matin avant huit heures et demi solaires ( 9h30 à notre montre
l'hiver et 10h30 l'été) qu'on profite de l'ensoleillement sur cette
face. Inséré entre les collines des deux rives verdoyantes et
sauvages, l'image du joyau déposé dans son écrin de verdure est là
encore grandement justifiée. Le Gardon coule dans le bas, calme et
apparemment immobile. Le Vieux Moulin, sur l'autre rive, solitaire,
s'intègre harmonieusement dans ce cadre où tout mouvement semble
ralenti et toute rumeur atténuée. Encore un beau décor qui comble
ceux qui apprécient la nature et la poésie.
b) Le second point de vue : Il se situe à cent mètres du
premier. Pour y parvenir, on poursuit le sentier en direction de l'aval,
vers Remoulins. Mais après une dizaine de mètres, on emprunte, sur la
gauche, une voie plus large bien que trop étroite pour être un coupe
feu. On longe ce faux coupe-feu, qui descend en direction du Gardon,
jusqu'au bout soit moins de cent mètres. On aboutit sur un emplacement
plus large, une clairière au-dessus de l'ancien hôtel Labourel. Le
cadre est surprenant. Le Pont du Gard, encaissé entre deux collines
recouvertes de chênes yeuses verts foncés, domine la forêt riveraine
vert clair. Il est tout entier situé au-dessus des arbres. Quelle
grandeur !