De
Dions au Pont du Gard, sur plus de vingt kilomètres, le Gardon coule
dans un écrin de garrigue toujours verte, royaume de la pierre et du
chêne vert. Cette dernière a tant bien que mal résisté à des siècles
d'exploitation abusive. Elle se disputait la place avec des troupeaux à
l'appétit dévastateur. Elle fournissait une matière première de
qualité pour alimenter les fours des verriers, des charbonniers, des
boulangers et de toutes les petites industries qui fleurissaient dans la
région.
Ce n'est qu'au XVIII ème
siècle que la
forêt pourra reprendre ses droits :
- grâce à des décrets
royaux mettant fin à l'activité des verriers.
- grâce, par la suite, au développement des énergies nouvelles.
Elles libèrent les industries
et les ménages de l'obligation d'utiliser du bois de chauffage.
Mais elle n'est pas pour autant
au bout de
ses peines car elle est constamment menacée, depuis lors, par un terrible
fléau : l'incendie.
Le chêne vert est le symbole de cette région aride où la vie et l'eau
sont plus souvent présents sous les cailloux qu'au-dessus. Mais si l'on
prend le temps de regarder, d'être à l'écoute de ce milieu, on prend
vite la mesure d'une richesse exceptionnelle :
- l'yeuse et son cortège de
plantes compagnes s'épanouissent sur les flancs des
collines calcaires et les parfument de mille odeurs.
- les pistachiers,
alternes, filaires, arbousiers, genévriers-cades, buis,
chèvres-feuille, sumac des corroyeurs, ferrules, thyms, romarins,
cistes, petits iris et badasses composent des paysages typiquement
méditerranéens. Ils sont constamment en évolution entre la pelouse à
asphodèles et la forêt de chênes.
La base de toutes ces formations végétales est avant tout le
climat. Un climat rude qui impose aux hommes comme aux plantes des
saisons tour à tour torrides et sèches, puis humides et douces et
enfin froides et ventées. Mais il sait aussi, au gré de ses caprices,
offrir des journées délicieuses dont tout bon méditerranéen saura
jouir, qu'il soit rachalan (ouvrier manuel) dans son enclos ou chêne
dans la garrigue.
Les arbres et les arbustes ont un aspect trapu et
tourmenté à l'image de la lutte engagée contre les éléments et
surtout contre le mistral. Ici, chaque plante, pour mériter sa place
dans le lieu, doit lutter contre la sécheresse estivale : deux longs
mois sans une goutte d'eau. Les organes de réserves, bulbes, rhizomes
et tubercules, les racines profondes et pivotantes, les feuilles petites
et coriaces, souvent poilues voire épineuses ou écailleuses sont alors
leurs seules chances de survies.
Si l'été toute la garrigue semble grise et assoupie, comme
recroquevillée sur elle-même, c'est pour mieux se protéger contre ce
maudit "cagnard" qui ferait même transpirer les pierres. Au
printemps et à l'automne, par contre, la vie explose au bout de chaque
rameau. Fleurs, fruits, feuilles s'épanouissent dans une débauche de
senteurs et de couleurs chatoyantes. Toute une faune bruissante et
piaillante sait en profiter, virevoltant autour du nectar sucré des
fleurs ou de la chair tendre des petits fruits pour s'en délecter.
Flore et faune possèdent ici des espèces remarquables : cyclamen des
Baléares ou orchis punaise pour la première ; poissons, chauve-souris,
insectes carnivores, castors pour la seconde. N'oublions pas le prince de
la garrigue, le majestueux aigle de Bonelli. C'est l'existence de ces
espèces prestigieuses mais fragiles qui fait de ce secteur des Gorges
du Gardon un site important.