I . Les eaux calcaires
Dans les terrains
calcaires perméables, les eaux de pluie pénètrent profondément dans
le sol et, chargées de gaz carbonique par des émanations naturelles,
dissolvent le carbonate neutre de calcium, principal constituant des
roches rencontrées. Elles provoquent ainsi aisément des fissures,
galeries, grottes dans lesquelles elles ruissellent, s'enrichissant
progressivement en carbonate acide dissous ; ce sont les eaux
calcaires.
Chauffées, elles
perdent leur gaz carbonique et laissent un dépôt de carbonate neutre
adhérent aux parois des récipients, facile à observer dans les
bouilloires, casseroles, ... Ce dépôt constitue le tartre des
chaudières, radiateurs d'automobiles, ...

Par
évaporation, le même phénomène se produit, mais beaucoup plus
lentement.
Une
eau qui s'est chargée de carbonate acide dans son trajet par
infiltration (réaction II) arrive finalement à l'air libre où
commence son évaporation. La première goutte qui s'évapore laisse un
résidu très léger de carbonate neutre que les suivantes augmentent
régulièrement. Chaque goutte en s'évaporant jalonne donc son trajet
d'une trace solide (réaction III). C'est ainsi que des pendeloques ou stalactites
se forment au cours des siècles. D'autres gouttes, incomplètement
évaporées, tombent sur le sol et y construisent peu à peu des stalagmites.
Stalactites et stalagmites finissent par se rejoindre, réalisant
souvent d'impressionnantes colonnades translucides.
II . Les concrétions

Elles résultent de la réaction
d'équilibre entre le bicarbonate de calcium soluble et le carbonate de
calcium très peu soluble. Le carbonate acide (ou bicarbonate) de
calcium donne en milieu non saturé en gaz carbonique du carbonate
de calcium, de l'eau et du gaz carbonique qui se dégage.
Les parois d'un aqueduc au contact des eaux très riches en calcaire
peuvent se recouvrir de carbonate de calcium, qui s'incruste
sur leur surface et former des concrétions. La fixation sur la
paroi est grandement facilitée par la présence d'une algue qui
prolifère dans l'eau de l'Eure. MM. Gendon et Vaudour ont étudié le
phénomène de concrétionnement de l'aqueduc de Nîmes. Selon leurs
recherches, réalisées à partir des théories sur la solubilité et
des vérifications expérimentales qu'ils ont menées sur le terrain,
ils ont mis à notre disposition des moyens qui permettent
d'appréhender en partie l'histoire de l'aqueduc.
Le processus chimique demande un
certain temps dépendant de l'atmosphère et particulièrement de sa
teneur en gaz carbonique (ou dioxyde de carbone), de la température
moyenne, de la vitesse de l'eau, de la luminosité et de l'état de la
surface des parois du canal. L'eau de pluie en
pénétrant dans la terre se charge de gaz carbonique produit par les
microorganismes consommateurs de matières organiques. L'acide carbonique
ainsi formé réagit avec le calcaire et grâce aussi à la pression
interne du sol va saturer, en carbonate acide soluble, l'eau de la source
d'Eure. A partir des sources, l'eau saturée, instable chimiquement,
s'écoule dans le canal romain à l'air libre, sous la pression
atmosphérique normale, plus faible que la pression à laquelle elle
était soumise auparavant. La diminution de la pression favorise le
dégagement de dioxyde de carbone (gaz carbonique) et déclenche une
réaction qui transforme en carbonate neutre de calcium insoluble le
carbonate acide de calcium en solution. Il se dépose alors sur les parois
et le radier du canal. On estime à 1 h 40 le temps nécessaire pour que les
dépôts se fassent, ce qui les font apparaître à partir du cinq ou
sixième kilomètre, c'est-à-dire aux environs de Bornègre.

L'épaisseur moyenne des concrétions serait de l'ordre de 1 m (0,5 m
sur chaque paroi). Elles représentent un volume de 1 m³ par mètre
linéaire, soit 50 000 m³ en tout : soit l'équivalent d'un
parallélépipède de 1 hectare de surface de base sur 5 m de hauteur.
Actuellement beaucoup d'entre elles ont disparu. Elles ont été
récupérées, utilisées voire réutilisées par les habitants de la
région, par les moines bâtisseurs pour la construction des chapelles.
Très solide, homogènes et parfaitement plane sur une face, elles
constituent un matériau de choix pour les maçons.
III . Intérêt des concrétions
Les concrétions apportent une
partie des renseignements dont nous prive l'absence de documents. Elles
sont révélatrices du passé de l'aqueduc.
Les concrétions internes mettent en évidence le comportement de
l'aqueduc à travers les âges. La superposition des couches, leur
hauteur, leur forme, leur couleur, leur état de propreté sont autant
d'indices que les archéologues exploitent.
Les concrétions externes présentent des aspects différents,
témoins d'un passé :
Les amas racontent l'histoire des agriculteurs.


Les
draperies qui recouvrent l'aqueduc révèlent les nombreuses fuites
dues à la mauvaise étanchéité du radier. Plaquées par dessus les
éléments de bouchage, ces draperies situent le bouchage dès la mise
en eau de l'aqueduc.

Les
stalactites et les stalagmites liés ou libres, découverts sous les
arcades du Pont de la Lône contribuent à confirmer l'existence de
séismes survenus pendant le fonctionnement de l'aqueduc ou
après.


La hauteur des dépôts, le parallélisme des couches offrent
certainement le moyen d'évaluer les pertes d'eau au cours du temps mais
aussi en fonction de la distance par rapport à la source.
Par ses concrétions l'aqueduc raconte son histoire et pose des
problèmes que les archéologues nous aident à résoudre.
L'absence de concrétions aux parties extrêmes du canal, au Pont du
Gard, sont la preuve manifeste de destructions.
Une promenade le long des vestiges, dans la commune de Vers-Pont-du-Gard en
particulier, est du plus grand intérêt. C'est dans cette partie que les
dépressions de la Lône, du Pont Roupt, de Valive et de la vallée du
Gardon obligent à la construction de murs de soutènement ou d'arches.
Ceux-ci sont bardés de concrétions.
IV . Un peu de chimie
Ce que l'on connaît
sous le nom général de calcaire, insoluble
dans l'eau pure, se présente dans la nature sous deux variétés de carbonate
de calcium pur (CaCO3) : l'aragonite, cristal aplati d'un
blanc laiteux et la calcite ou spath d'Islande cristallisé en
solides transparents nommés rhomboèdres ayant la particularité d'effectuer,
à travers, une vision en double réfraction.
Ils existe
de nombreuses variétés de carbonate de calcium impur : le marbre blanc, la
craie, la pierre de taille, ...
Fabrication de la chaux : Le carbonate de calcium se décompose avec production de gaz carbonique et de
chaux vive, à 900° :
CaCO3
--->
CO2 +
CaO
Fabrication des concrétions : Le carbonate de calcium neutre CaCO3
sous l'action de
l'acide carbonique (CO2 + H2O)
en excès est transformé en carbonate acide (ou bicarbonate) de calcium soluble : l 'eau est
alors limpide.
Réaction II : CO2
+ H2O
+ CaCO3
---> Ca (CO3H)2
Puis, cette eau, libérée, va dégager du gaz
carbonique et va produire, à nouveau, du carbonate de calcium neutre
insoluble, qui va donc se déposer lentement :
Réaction
III : Ca (CO3H)2
---> CO2
+ H2O
+ CaCO3
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